Yves Baticle, La laine, Paris, Masson, 1982, 296 p.

L'objet de cet ouvrage est l'étude de l'ensemble de la filière laine, depuis sa source, l'élevage du mouton, jusqu'à son terme, l'élaboration des produits finis (tissus, tricots, tapis...). Le champ spatial envisagé est l'ensemble des pays concerné par cette activité. Cet ambitieux projet a amené l'auteur à faire un grand nombre d'enquêtes dans une foule de pays et à manipuler une masse considérable de statistiques différentes. Ce livre, comme tous ceux de ce type, pourra faire l'objet de critiques de la part des spécialistes sourcilleux qui regretteront telle lacune à propos des quelques pays qu'il connaissent bien, ou souhaiteront nuancer telle interprétation. Tous ceux qui s'intéressent à cette activité aimeront avoir cet ouvrage à portée de la main, car nulle part ailleurs on

ne trouve une vision d'ensemble aussi claire et complète. Si l'auteur ne s'interdit pas d'évoquer, en un bref chapitre, l'histoire du travail et de l'utilisation de la laine, l'essentiel de l'ouvrage porte sur l'élevage du mouton et des autres animaux dont les poils sont utilisés par l'homme, ainsi que sur les conditions actuelles de travail de la laine. Les caractéristiques techniques de la laine donnent lieu, elles aussi, à une analyse précise. Les conditions de commercialisation de cette matière ne sont pas négligées non plus ; le lecteur sera peut-être surpris de trouver ce développement tout à la fin de l'ouvrage, alors qu'il l'aurait plutôt attendu après les développements sur l'élevage.

Près d'une centaine de pages est consacrée à l'élevage du mouton et à la production de la laine dans le monde. L'ampleur de ce développement se justifie aisément si l'on se souvient de la grande ubiquité de cet animal présent de manière notable dans presque tous les milieux biogéographiques du monde, à la seule exception des tropiques humides. L'auteur fait preuve d'une grande maitrise dans ces chapitres dont le thème se situe dans le prolongement direct des travaux de sa thèse. Il montre clairement comment les données humaines et naturelles interfèrent pour expliquer que certains grands ensembles géographiques, tel celui qui s'étend de l'Afrique du Nord à l'Inde du Nord en passant par le Proche-Orient, abritent beaucoup de moutons et fournissent peu de laine, alors que d'autres troupeaux ont des rendements beaucoup plus élevés : dans les pays «neufs» de l'hémisphère Sud l'introduction d'espèces sélectionnées élevées en vastes troupeaux sur de grands espaces a permis d'obtenir des laines homogènes de bonne qualité à des coût bien moindres que dans les régions biogéographiquement similaires à l'Ancien Monde.

130 pages sont consacrées à l'industrie lainière proprement dite. Après une présentation rapide et claire des différentes opérations techniques, l'auteur s'efforce de dresser un panorama complet de cette industrie dans chacun des pays où elle est représentée de nos jours. A chaque fois, sont présentés l'histoire de cette activité, ses localisations actuelles, ses structures de production et ses problèmes récents. L'intérêt principal de ce travail réside dans son exhaustivité géographique ; nombre des données fournies sont issues des enquêtes menées directement par l'auteur lui-même. On constate que l'industrie lainière reste l'apanage essentiellement des pays industrialisés. Les progrès remarquables faits par le Japon au cours des décennies récentes, l'ascension de l'Italie, le déclin de la Grande-Bretagne montrent que l'évolution de l'industrie lainière pourrait presque servir d'indicateur du développement industriel global des différents pays. La naissance récente d'une industrie lainière moderne moderne dans un nouveau pays industriel comme la Corée du Sud ne fait que confirmer l'observation précédente. Cette analyse précise et concrète aide à relativiser les schémas trop simplistes qui voudraient faire de l'ensemble du secteur textile une activité où seuls les pays en voie de développement seraient encore performants.

Cet ouvrage comporte un appareil statistique récent et facile à utiliser ainsi qu'un index et surtout une quarantaine de cartes précises et très lisibles.

M. BATTIAU 10-01-83