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Huguette Legros. — L'amitié dans les chansons de geste à l'époque romane. Aix-en-Provence, Publications de l'Univ. de Provence, 2001.

[compte-rendu]

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316 CAHIERS DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, 47, 2004

COMPTES RENDUS

Aix-en- Provence, Publications de l'Université de Provence, 2001, 445 pp.

L'ouvrage d'Huguette Legros, sérieux et documenté, trouve son origine dans une thèse de doctorat d'État, soutenue devant l'Université de Provence. Les résultats de la recherche ont été allégés pour publication. L'intérêt d'un tel sujet est évident et la problématique générale ne manque pas de séduction : d'entrée, l'A. note qu'au Moyen Âge, à côté de l'éthique amoureuse, les liens d'amitié ont acquis une place notoire dans la littérature. Cependant, les analyses des philosophes de l'Antiquité soulignent que les sentiments humains sont largement tributaires de l'époque, de la civilisation et du milieu culturel dans lesquels ils naissent, ce qui incite à examiner leurs expressions différentes. Encore fallait-il s'interroger sur le sens qu'il convenait de donner au mot amitié, l'écueil à éviter étant une trop grande subjectivité. Ce préalable n'était pas aisé, les critères étant incertains : d'aucuns penseront qu'H. Legros a ouvert trop largement son champ de vision, ce qui lui a permis d'inclure dans sa recherche les relations entre proches parents, comme les frères et les cousins. En tout cas, l'étude de vocabulaire souligne la distance entre le xne s. et l'époque moderne : c'est le compagnonnage qui est le plus proche de nos conceptions, mais il implique le serment et des devoirs réciproques. La détermination d'un corpus, suffisamment large et cohérent, s'est fondée sur la chronologie et sur la thématique narrative (œuvres racontant une histoire d'amitié). De fait, les chansons retenues constituent un échantillon significatif : la Chanson de Roland, Fierabras, Ami et Amile (et Amys et Amylloun), la Chevalerie Ogier de Danemarche, Aspremont, Aiquin, Garin le Lorrain, Floovant, Raoul de Cambrai, Daurel et Béton, sans oublier les chansons du Cycle de Guillaume, la Chanson de Guillaume, le Couronnement de Louis, le Charroi de Nîmes, la Prise d'Orange, Girart de Vienne, la Chevalerie Vivien.

La plupart des termes qui appartiennent de nos jours au vocabulaire de l'affectivité se rattachent, si on considère le XIIe s., au monde juridique et institutionnel. L'amitié est un garant du respect des habitudes sociales dans un univers où les groupes, les lignages, les

alliances familiales sont beaucoup plus importants que les relations interpersonnelles d'homme à homme. Au Moyen Age, l'amitié est liée au contrat et au serment, au lieu d'être un attachement informel, comme à l'époque moderne. Les accords sont de plusieurs niveaux : compagnonnage (Roland et Olivier, Ogier et Berron) ; relation dite de nor- reture (Raoul et Bernier, Floovant et Richier) ; rapprochement amical qui est accomplissement de la volonté divine (Ami et Amile). L'amitié est élitiste : la communauté spirituelle ne peut exister qu'entre des hommes qui appartiennent à la même classe sociale, qui partagent les mêmes valeurs, comme la loyauté ou le courage. L'expression du sentiment est rare dans les chansons de geste et d'ailleurs fondée le plus souvent sur la joie, la colère, la douleur. L'amitié crée un rapport avec l'autre qui permet à l'individu de se trouver soi-même : effet de miroir et de révélation personnelle.

Si le lien amical humanise parfois l'univers épique, il n'est pas rare qu'il aboutisse à une dimension dramatique, voire tragique : le compagnonnage de Raoul et Bernier conduit à une rupture sanglante, car l'un est trop absolu dans ses principes, quand l'autre écoute trop les échos de son cœur. L'amitié entre deux êtres appartenant aux mondes chrétien et sarrasin, violemment antagonistes, est une parfaite manière de magnifier l'esprit chrétien, dans son exceptionnelle générosité. Celle qui unit Ogier et Karaheus est toutefois singulière, car aucun des deux n'a l'intention d'abandonner sa religion ; bien au contraire, dans une plénitude totale, ils prennent le risque de se marginaliser au sein de leurs mondes respectifs : l'accent est mis sur les qualités individuelles plutôt que sur les croyances. Le corpus choisi par H. Legros n'offre qu'un exemple de personnage qui puisse se targuer de bénéficier à la fois de la confiance et de l'affection du roi, c'est le duc Naimes dont la présence et l'influence mettent en lumière les faiblesses du souverain, c'est-à-dire sa modeste humanité, habituellement dissimulée par la distance et l'apparat. Les analyses d'H. Legros portant sur l'amitié épique conduisent à distinguer le plan humain et le plan divin : dans le cadre chevaleresque, le héros épique s'enrichit de ses contradictions et des tensions qui bouleversent son âme, et les amis affinent leurs personnalités distinctes ; en revanche, quand l'amitié s'ex-

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