106 Teresa CASTELÃO-LAWLESS

La phénoménotechnique dans sa perspective historique : ses origines et ses influences sur la philosophie des sciences

(*) Les travaux épistémologiques de Gaston Bachelard (1884– 1962), écrits et publiés entre 1928 et 1953, essaient de rendre les philosophes de la science conscients de la structure discontinue de l’évolution de la science et de la dynamique de l’esprit scientifique. Bachelard a souvent soutenu que les progrès historiques et techniques des sciences physiques montrent que les ca-ractéristiques purement descriptives et classificatoires de la science du passé sont tôt ou tard remplacées par des mo-dèles épistémiques qui reposent prin-cipalement sur la capacité du scienti-fique à élaborer techniquement les objets de l’enquête scientifique. Les re-lations observées par Bachelard entre les sciences, les théories, l’expérimen-tation et la technologie scientifique le conduisirent à introduire le concept philosophique de «phénoménotech-nique » . Ce concept reflète le caractère social, construit, historiquement contin-

gent de la connaissance scientifique comme des entités scientifiques. En élargissant son concept, Bachelard af-firme que les instruments sont des théories matérialisées. Tout comme les mathématiques, les instruments sont des produits de la technique. Mais, d’un autre côté, la technique est l’ex-pression rationnelle de la vision du monde du scientifique, tandis que la connaissance scientifique devient tech-niquement objectivée dans l’instrumen-tation scientifique. Les constructivistes sociaux, avec d’autres, soutiennent que la phénoménotechnique alimente leurs affirmations concernant la nature rhéto-rique des énoncés et des entités scienti-fiques. Pour Bachelard, cependant, les présuppositions derrière le concept pré-servent l’essence rationnelle de la pen-sée scientifique, tout en conservant dans la société la place privilégiée de la science que les constructivistes rejettent si fermement. La phénoménotechnique est l’un des concepts potentiellement les plus riches que Bachelard ait eu à offrir à la philo-