Analyses bibliographiques

Postic (M.), Ketele (J.M. de). -Observer les situations éducatives, Paris, P. U. F., 1988.

La compréhension des processus éducatifs passe nécessairement par l'analyse des phénomènes relationnels inhérents à toute situation éducative. C'est aux problèmes posés par l'observation de ces phénomènes qu'est consacré l'ouvrage de Marcel Postic et Jean-Marie de Ketele. Celui-ci est organisé en trois grandes parties.

Les auteurs procèdent d'abord à une réflexion épistémologique. Ils soulignent les aspects contra¬ dictoires de l'observation -il s'agit bien de se soumettre au réel, mais pour se l'approprier -et sa finalité : elle est «une opération de prélèvement et de structuration de données de façon à faire apparaître un réseau de significations» (p. 19). Plusieurs problèmes centraux relatifs aux diffi¬ cultés de l'observation sont abordés : biais résultant de l’interaction observateur-observé, de la nécessaire interprétation des résultats, de la sélection des informations. Cette réflexion conduit à la définition d'une série de critères (il y en a 9) permettant de caractériser toutes les situations d'observation. M. Postic et J.M. de Ketele insistent beaucoup sur l'adéquation entre la méthode et son objet et mettent le lecteur en garde «contre les préjugés qui consisteraient à croire qu'il existe une bonne façon d'observer ». Pour eux «il n'existe pas de bonnes ou de mauvaises méthodes : il n'existe que des méthodes plus ou moins adéquates selon les cas» (p. 77).

La seconde partie traite de l'évolution des méthodes d'observation, principalement aux États-Unis, et présente en détail l'observation systématique et l'observation expérientielle. Deux fac¬ teurs essentiels sont à l'origine de l'évolution des méthodes : une prise de conscience croissante du rôle des facteurs sociaux dans la détermination des conduites et une réaction à l'égard des théories behavioristes qui ont donné naissance à de nombreux instruments. A l'heure actuelle les méthodes d'observation mettent l'accent sur les caractéristiques du contexte en relation avec ce qui est observé et sur l’ensemble des composantes de la situation (cognitives et affectives, ver¬ bales ou non verbales). On s'intéresse moins à la fréquence des comportements et davantage à leur organisation séquentielle. Ces évolutions ont touché à la fois l'observation systématique qui se situe dans le courant classique de la psychologie expérimentale et l'observation expérientielle qui se situe plutôt dans les courants de la psychologie clinique et de l'ethnologie. Les auteurs rap¬ pellent les principaux caractères de l'observation systématique (souci de pertinence, de validité, de fiabilité, de transférabilité) et illustrent sa mise en oeuvre en présentant plusieurs échelles des¬ tinées à repérer les styles d'enseignement des maîtres. Ils exposent la démarche de l'observation expérientielle et explicitent ses conditions de validité. Un développement particulier est consacré à l'observation participante. Fidèles à leur position de départ, M. Postic et J.M. de Ketele n’optent pas pour une méthode. Pour eux l'observation expérientielle est surtout utile comme première étape d'un processus de recherche et ce n'est que dans des domaines déjà défrichés et lorsque des hypothèses précises sont à vérifier que l'observation systématique est rentable.

Dans la troisième partie trois grands domaines d'application sont présentés : l'analyse des situa¬ tions éducatives et de leur efficacité, l'introduction des innovations et la formation des ensei¬ gnants. Pour chaque domaine les auteurs se proposent de présenter un modèle devant aider les praticiens dans leurs prises de décision et les chercheurs dans leurs tentatives d'explication. Voici, à titre d'exemple, comment est traité le premier domaine d'application. Il s'agit de montrer «l'apport des recherches (et plus particulièrement de celles qui s'appuient sur l'observation sys¬ tématique) dans la tentative de mettre en évidence les déterminants et les mécanismes d'in¬ fluence de l'efficacité du processus d'enseignement-apprentissage» (p. 178). Les auteurs pré¬ sentent d'abord des synthèses des travaux visant à mieux comprendre les processus d'enseignement afin de mieux prescrire et de mieux former. Ils montrent ensuite que certains aspects du problème n'ont pas reçu une attention suffisante : les effets du processus éducatifs sont souvent envisagés d'une manière trop limitée (la performance scolaire) et l'on ne tient pas assez compte des représentations des divers acteurs. Ceci les conduit à proposer un «modèle intégrateur ». Dans ce modèle les effets de l'éducation (variables de sortie) envisagés sont divers : savoir-redire, savoir-faire cognitifs, savoir-faire pratiques ou gestuels, savoir-être et savoir-devenir. Ils sont considérés à court, moyen ou long terme, et en fonction de variables d'in¬ terférences facilitatrices ou inhibitrices. Les variables explicatives (ou d'entrée) sont également plus diverses que dans les modèles antérieurs. On tient compte par exemple des théories éduca¬ tives implicites des enseignants et de leur métacognition. On tient compte aussi de toute une série de caractéristiques cognitives des élèves. Enfin, on introduit des variables-processus rela¬ tives aux aspects séquentiels de l'apprentissage et au contrôle social de la classe. Ce modèle constitue un bon exemple d'utilisation des connaissances psychologiques dans le domaine de l'éducation.

Cet ouvrage, on le voit, ne nous indique pas seulement comment il faut observer, il va bien au-delà en nous indiquant aussi ce qu'il faut observer afin de mieux comprendre le fonctionnement des situations éducatives.

M. Huteau.

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