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La fin des bêtes. Une ethnographie de la mise à mort des animaux . Par Catherine Remy, Editions Economica. Collections «Etudes sociologiques», 2009

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PRÉSENTATION

388 Bull. Acad. Vét. France — 2009 -Tome 162 -N° 4/ 5 http:// www. academie-veterinaire-defrance. org

La fin des bêtes. Une ethnographie de la mise à mort des animaux

Par Catherine REMY Editions Economica. Collections «Etudes sociologiques, 2009

Claude MILHAUD. Cet ouvrage prolonge, à l’attention du public, une thèse soutenue dans le cadre des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il propose une contribution des sciences humaines à la définition des «frontières » éventuelles séparant l’homme des animaux, dans le cadre du débat plus large sur la nature des relations entre l’homme et les animaux dans notre société. L’auteur, suivant la méthodologie de l’ethnographie comparée, rassemble de nombreuses et très minutieuses observations au cours de la crise psycho-sociale que constitue la mise à mort des animaux et ce, dans trois environnements particuliers : au sein d’un abattoir, dans une clinique vétérinaire et dans un laboratoire de Physiologie. Des observations conduites dans ces trois situations, l’auteure déduit que la mise à mort des animaux n’est jamais banalisée. Elle fait toujours l’objet d’une transgression ou pour le moins, de restrictions morales. Restrictions matérialisées par son occultation à l’abattoir, par sa discrétion au laboratoire et par sa relative discrétion en clinique canine. La présence de témoins fait l’objet d’interdits implicites ou d’une tolérance limitée. L’acceptation de la répétition de cette transgression est facilitée par la spécialisation de celui qui donne la mort et qui protège sa propre émotivité soit par l’absence de relations antérieures avec l’animal, cas du laboratoire et de l’abattoir, soit en confiant implicitement cette relation émotionnelle au propriétaire de l’animal ou à un autre membre de l’équipe, cas de la clinique vétérinaire. Selon les circonstances, selon la personne ou selon l’espèce, la relation avec l’animal lors de sa mise à mort peut faire l’objet soit de subjectivisation, avec prise en compte de ce que l’on pourrait appeler la «personnalité du sujet » , soit d’objectivisation, l’animal étant alors pratiquement considéré comme un objet inanimé. Influencée par l’ouvrage «l’Invention d’une profession : les vétérinaires au XIXe siècle » de R. Hubscher, l’auteure rappelle que le vétérinaire a longtemps travaillé sur l’animal au seul profit économique, sanitaire ou scientifique de l’homme et que ce n’est qu’avec l’extension des soins aux animaux familiers que le praticien à commencé à être partagé entre deux objectifs : soigner des patients ou satisfaire des clients. L’auteure nous reproche «l’anthropocentrisme normatif des vétérinaires » , qui nous conduirait à prendre en compte, avec difficulté, l’évolution provoquée par l’extension des soins aux animaux familiers qualifiés ici «d’humanisés » ; et surtout, qui amènerait le praticien à conseiller et à pratiquer trop facilement et trop précocement l’euthanasie sur des êtres sensibles qui ont, je cite, leur «propre vie à mener » . L’attention du lecteur est attirée sur le paradoxe de la concurrence existant entre les activités à finalité de préservation et la décision d’euthanasie ; paradoxe qui renvoie au statut de l’animal familier, suffisamment animal pour être euthanasié et aussi suffisamment humanisé pour être soigné jusqu’au bout, dans le cadre d’une relation personnalisée. D’où les hésitations du vétérinaire, la complexité de ses réactions et du déterminisme de sa décision (souhait du propriétaire, relations du praticien avec l’animal, avec son client, intérêt de l’animal, possibilités thérapeutiques, considérations économiques). L’auteure, prenant le parti de l’animal, propose le concept «d’euthanasie avancée » pour souligner le caractère injuste d’une euthanasie qui ne serait pas strictement alignée sur la mort imminente ou inévitable de l’animal. En effet, elle rapporte que les animaux présentant une maladie grave, un aspect esthétique dégradé, un comportement excessivement agressif ou un âge avancé sont le plus souvent proposés pour une «euthanasie avancée » sous prétexte d’humanisation. En fait, l’occurrence de «l’euthanasie avancée » constitue un marqueur de la différenciation humanité/ animalité avec, pour conséquence, de placer ici le vétérinaire en «gardien » d’une des frontières entre l’homme et les animaux. Abordant la question de l’expérimentation animale à travers le manuel «Expérimentation animale, mode d’emploi » , l’auteure constate que bien que se plaçant dans le prolongement de Claude Bernard, les expérimentateurs, rédacteurs de ce document, témoignent dans leurs propositions du fait «que la vivisection est désormais entrée dans la sphère de la morale : l’animal est traité et «sacrifié » humainement, dans la perspective d’un bien commun supérieur démontrable » . L’utilisation fréquente du mot «sacrifice » pour nommer la mort des animaux d’expérience, que se soit dans la documentation exploitée ou dans le laboratoire observé, amène l’auteure à s’interroger sur les rapports qui pourraient exister entre l’euthanasie de ces animaux et les sacrifices religieux. Elle note effectivement une certaine analogie : l’innocence de la victime, sa substitution à l’homme, le bien commun escompté (le progrès), le don (par le personnel animalier), le respect de la victime et éventuellement la distinction entre sacrifiants (chercheurs) et sacrificateurs (techniciens). Le reproche majeur qui peut être fait à ce travail réside dans la faible représentativité des trois situations étudiées. Une seule clinique canine pour juger des rapports entretenus par les vétérinaires avec lamort des animaux, un abattoir de petite taille et de gestion incertaine pour analyser une situation qui en ellemême constitue déjà un problème de société et enfin un laboratoire de Physiologie tellement original, tellement caracté-

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