Couverture fascicule

Fritz Nies, Imagerie de la lecture. Exploration d'un patrimoine millénaire de l'Occident

[compte-rendu]

Année 1998 100 pp. 188-189
Fait partie d'un numéro thématique : Le Grand Homme
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— Fritz Nies, Imagerie de la lecture. Exploration d'un patrimoine millénaire de l'Occident, P.U.F., coll. « Perspectives littéraires », 1995, 310 p.

Il faut se réjouir de pouvoir désormais disposer en français de l'ouvrage de Fritz Nies (Bonn, 1991), qui plus est dans une nouvelle édition, qui a bénéficié des derniers avancements du chantier dans un domaine que l'auteur a contribué, de manière décisive, à reconnaître, à définir, à promouvoir. Si l'histoire s'est ouverte ces dernières années à l'étude des images (M. Agulhon, A. Boureau, M. Vovelle), les littéraires, en France tout au moins, se sont encore trop peu souciés de manière systématique des processus de représentation, en particulier de celle de l'acte de lecture, qui les concerne au premier chef. En ciblant justement ses recherches (qu'il souhaite interdisciplinaires) sur « l'imagerie de la lecture », tous supports considérés - de la gravure au timbre poste, du livre d'heures au magazine, du manuscrit au livre illustré, du « canard » à l'affiche publicitaire, de la caricature à l'ex-libris, sans parler des objets divers dus à l'artisanat ou à l'art industriel -, Fritz Nies crée littéralement un univers

tasmagorique de lecteurs (ou de lisants), à travers siècles et pays (même si la France et l'Allemagne l'emportent largement dans un corpus d'environ 4000 pièces). C'était une gageure que de maîtriser cette énorme documentation, d'aménager cette forêt d'images pour y tracer des parcours fléchés et y établir des points de vue, de donner enfin un statut épistémologique aux matériaux rassemblés. Il y fallait un braconnier hardi doublé d'un archiviste minutieux. Fritz Nies sait faire court et affranchir son propos de l'érudition qu'il a requise (et qu'on retrouvera, d'une densité rare, dans les notes et annexes). Il commence par un état des lieux : un fort pittoresque inventaire général des sources, de leurs lacunes (inévitables, topiques), ainsi que des leurres de l'image. Puis vient un essai de périodisation retraçant, depuis le Moyen Âge, des attitudes ou postures de lecture spécifiques, l'évolution des cadres comme des objets de lecture, une typologie de(s) lectures et lecteurs, à la recherche d'une figure emblématique de chaque époque. Un chapitre « transversal » entend dégager des constantes et des récurrences et proposer une problématique globale de la lecture représentée.

L'ouvrage est stimulant. Il fourmille d'idées et d'aperçus incisifs sur telle ou telle situation de lecture : ainsi l'émergence du motif de la liseuse à « la barque berceuse » suppose qu'il n'y a plus d'inconvenance à la chose mais aussi que le livre est désormais considéré comme une denrée périssable...; ainsi encore sur l'apparition d'une horloge dans les scènes de lecture, introduisant à la notion d'un « budget-temps » réservé. Il incite à poursuivre la quête et l'enquête : le fonds Nies est toujours preneur, et l'on aimerait pousser la catégorisation des lecteurs selon leur finalité, croiser les données avec celles de la sociologie du livre, esquisser des monographies sur la réception de telle ou telle œuvre en intégrant ces données sémiotiques. Si l'entreprise de Fritz Nies peut être envisagée, selon ses propres termes, comme une « science auxiliaire de l'histoire littéraire », c'est qu'elle relève aussi de la sociologie culturelle, de l'imago- logie, de l'histoire des mentalités, de l'étude de la civilisation matérielle, voire de la médiologie. Mais il y a plus encore : on notera (c'est suggéré, non sans humour, ni intention, dans la quatrième de couverture) que le titre s'oppose à peu près terme à

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