Alain DUPLOUY, Le prestige des élites. Recherches sur les modes de reconnaissance sociale en Grèce entre les Xe et Ve siècles avant J.-C. Paris, Les Belles Lettres, 2006. 1 vol. 15 x 21,5 cm, 414 p., 32 pl. (HISTOIRE). Prix : 37 €. ISBN 2-251-38076-0. Existait-il une aristocratie grecque ? A. Duplouy répond négativement à cette question pour la période qui va du Xe au Ve siècle av. notre ère. Selon lui, dans la Grèce archaïque et classique, «les qualités d’agathos, d’aristos ou d’esthlos – pour ne citer que ces quelques «titres » – n’existaient sans doute pas en elles-mêmes, mais seulement à travers l’image avantageuse que renvoyait le miroir de la communauté » (p. 31). D’où la nécessité pour l’individu – l’auteur préfère ce terme à celui d’aristocrate – d’ «engranger une gloire significative, de faire montre d’un faste particulier, d’impressionner l’audience et, partant, de s’attirer l’estime et le respect de tous, autrement dit de gagner un statut » (p. 32). Pour le montrer, il étudie quelques-uns des modes de reconnaissance sociale utilisés par l’élite, en commençant par l’exploitation de l’ascendance et les mariages contractés dans quelques familles influentes d’Athènes aux VIe et Ve siècles av. notre ère. Il passe ensuite au corpus de l’épigraphie funéraire qui montre que les individus récupéraient la mort de leurs proches afin d’asseoir leur prestige. Il étudie ensuite le matériel des nécropoles protogéométriques, notamment en Eubée et en Crète, de façon à montrer comment «les principes à l’oeuvre dans la structuration de la société paraissent en place dès le Xe siècle au moins dans certaines communautés égéennes » (p. 35). Suivent deux dossiers sur la sculpture archaïque à Milet et Samos. Visibilité, originalité, choix d’un atelier y étaient autant de signes de la volonté des dédicants d’assurer leur prestige de manière durable par les offrandes statuaires qu’ils dédiaient à telle ou telle divinité. «D’un certain point de vue » , estime A. Duplouy, chacun de ces chapitres «constitue une sorte de recommandation à suivre dans le manuel du “ meilleur des Grecs” (pour reprendre l’expression d’Hérodote) » (p. 35). – Les chapitres consacrés à l’épigraphie et à l’archéologie sont parmi les plus intéressants de cette étude. Par contre, la documentation littéraire y est parfois lacunaire. Ainsi l’auteur étudie-t-il Théognis qui identifie classe, race et excellence personnelle, mais sans le comparer à Solon. Comme Théognis, Solon donne cependant aux termes agathoi et kakoi un sens social, mais sans y adjoindre ni la notion de race, ni celle d’excellence personnelle. L’un et l’autre constatent par ailleurs que l’argent constitue de leur temps un autre facteur de différenciation sociale. Théognis (189) affirme : «C’est l’argent qu’on honore » , tandis que Solon (fr. 7, 1 G.-P.) constate : «beaucoup de kakoi sont riches, alors que des

agathoi sont pauvres » . Cependant, alors que Théognis regrette le passé et la prédominance des agathoi, Solon veut construire l’Athènes nouvelle au-delà des différenciations de classe, quelles qu’elles soient. Il rappelle : «j’ai écrit les lois semblablement (ὁμοίως) pour le kakos et l’agathos, en harmonisant pour chacun une justice droite » (fr. 30, 18-20 G.-P.). Le terme ὁμοίως témoigne qu’il tient compte des revendications hoplitiques qui sont égalitaires. Dans sa volonté de mettre en évidence le prestige des individus, l’auteur tend à réduire cette volonté égalitaire. Il donne à la