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Kalb Judith E., Russia's Rome : impérial visions, messianic dreams, 1890-1940

[compte-rendu]

Année 2009 80-1-2 pp. 235-237
Fait partie d'un numéro thématique : La cohérence du discours dans les langues slaves
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KALB Judith E., Russia's Rome : impérial visions, messianic dreams, 1890- 1940, Madison (Wis.), University of Wisconsin Press, 2008, xiv + 299 pages. ISBN 978-0-299-22920-7

L'ouvrage de Judith E. Kalb examine la construction mythique de Rome élaborée dans quelques œuvres parfois oubliées d'auteurs appartenant grosso modo au symbolisme russe. De surcroît, en coda, ce volume traite également de l'incarnation du mythe romain chez Bulgakov, ainsi que de ses transformations à l'époque postsoviétique. Rome, dans la complexité de son histoire, offrait non seulement la vision d'un empire multiculturel, mais aussi la trajectoire d'un développement fracturé par d'importants bouleversements politiques et religieux, présentant ainsi des parallèles évidents avec le destin de la Russie. Le miroir de Rome fournissait donc à la Russie l'occasion de donner un sens à sa propre histoire. L'idée lancée au XVIe siècle de Moscou troisième Rome, dont la mythologie politique tira parti (et dont elle abusa) à maintes reprises au XIXe et au XXe, semblait valider l'intuition d'une affinité entre la Rome antique et la Russie moderne. Ainsi de nombreux écrivains et artistes firent le voyage à Rome pour trouver en filigrane des réponses aux grandes questions de l'histoire russe, que ce soit le rapport entre catholicisme et orthodoxie, la relation des élites intellectuelles au pouvoir politique d'une part et au peuple de l'autre, les hésitations de la Russie entre le modèle occidental et une identité présumée orientale (voire barbare), la signification des révolutions de 1905 et de 1917, ou encore les contradictions entre la vision d'une civilisation universelle et celle d'une culture nationale.

La trilogie romanesque de Merežkovskij, le Christ et l'Antéchrist, donne le ton et sert de point de référence à ses successeurs. Ces trois romans, publiés entre 1895 et 1905, traduisent l'évolution des vues de Merežkovskij sur le destin de la Russie. Si dans le premier roman, la Mort des dieux : Julien l'Apostat, il esquisse une synthèse entre la Rome séculaire impériale et une chrétienté primitive incarnée par le peuple russe - synthèse qui devait sous-tendre la consécration de Moscou troisième Rome - il adopte une vision résolument apocalyptique dans le troisième ouvrage Pierre et Alexis. En effet, ce roman prône la renonciation à tout pouvoir séculaire (donc aussi au statut de troisième Rome) au profit d'un christianisme anarchique et mystique.

Dans ses deux romans l'Autel de la victoire et Jupiter renversé, Brjusov engage une polémique avec Merežkovskij. Il défend l'Empire romain, dont il célèbre l'esprit d'ouverture et la force créative. Ainsi, en dépit de son orientation séculaire, l'auteur conçoit l'émergence du christianisme comme une manifestation de cette faculté de renouvellement qui, selon lui, caractérise Rome et qui, sur le plan personnel, cautionne sa propre position vis-à-vis de l'histoire. En effet, dans son développement intellectuel, Brjusov accepta la logique de l'histoire et préconisa la volonté d'aller de l'avant et le dépassement de soi. D'une certaine manière ces romans révèlent donc la pensée qui le conduisit à adhérer à la révolution soviétique.

L'article de Blok Catilina rédigé peu après la révolution de 1917 vise à transformer le rebelle romain à la fois en précurseur du Christ et en prototype de la révolution perpétuelle. Dans l'esprit d'un chambardement de la culture nietzschéen, la Rome classique doit être vaincue, tout comme à l'époque moderne le monde occidental sécularisé. Ainsi Catilina, un « bolchevique romain », devient le modèle de

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