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Richard Lévesque, Renaissance architecturale en Bas-Poitou autour de 1540.

[compte-rendu]

Année 1976 134-2 p. 153
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Richard Lévesque, Renaissance architecturale en Bas-Poitou autour de 1540. La Roche-sur-Yon, Société d'Émulation de Vendée, 1975, 69 p., 17 fig.

Malgré des limites chronologiques et géographiques relativement restreintes, Richard Lévesque propose une étude dont les mérites sont loin d'être négligeables. Le petit livre qu'il vient en effet de consacrer à quelques aspects de l'évolution architecturale en Bas-Poitou, entre autres qualités, est d'une clarté exemplaire. La rigueur de la démarche bénéficie tout d'abord d'une présentation simple mais plaisante ; une grande abondance de titres et de sous-titres permet de suivre sans difficulté les différents moments du raisonnement, qualité élémentaire, certes, mais que peut- être un certain manque de modestie rend assez rare. L'illustration, par ailleurs, est satisfaisante, tout au plus pourrait- on regretter qu'elle ne soit pas plus abondante, surtout pour les détails ornementaux dont il est très souvent question dans le texte.

Pour en venir au fond même de cette étude, Richard Lévesque a eu l'excellente idée de préciser en un premier temps les conditions sociales et économiques de l'époque. Un essor industriel et économique semble en effet avoir favorisé le développement artistique dans la région de Fontenay-le-Comte, tandis que, dans cette ville, la présence d'un foyer d'humanisme autour d'André Tiraqueau, Pierre Amy et François Rabelais devait être particulièrement propice à la floraison d'un art tout nourri de l'antique, art qui devait s'épanouir grâce à l'impulsion de la famille d'Estissac.

Richard Lévesque en vient ensuite à la monographie du château de Colonges-les-Royaux. Cet édifice a malheureusement été en grande partie détruit et c'est par une véritable enquête archéologique qu'il parvient à serrer de plus près la chronologie du chantier et ses caractères stylistiques. Le château, élevé entre 1540 et 1550, se composait d'un quadrilatère aux angles marqués de quatre pavillons carrés, disposition que l'on retrouve dans les mêmes années à Écouen, au Louvre, à, Ancy-le-Franc, etc. Son escalier à rampe droite, son décor à l'antique, ses salles à colonnes sont caractéristiques de l'évolution de l'architecture française durant les années 1540 ; peut-être cependant est-il un peu excessif d'y voir une construction « d'avant-garde ». Il nous semble en effet qu'à la même époque les grands chantiers royaux ou princiers d'Ile-de-France, Madrid, le Louvre, Villers-Cotterets, Challueau, par exemple, sont autrement modernes, par la régularité de leur ordonnance et la pureté de leur décor classique ; à cet égard, le château de Colonges conserve, à notre sens, quelques archaïsmes dont un exemple réside dans le traitement de ses façades, avec cette répartition arythmique et assymétrique des ouvertures réunies simplement en travées verticales. Il n'en reste pas moins que, dans le contexte bas-poitevin, il témoigne d'un certain modernisme, parfois un peu tâtonnant, en tout cas évidemment influencé par Serlio, dont les livres sont alors en pleine diffusion. Comme le propose très opportunément Richard Lévesque, on pourrait expliquer ce modernisme par l'arrivée dans la région d'un nouveau maître d'œuvre vers 1540. Celui-ci, peut-être issu du chantier d'Oiron, serait l'auteur de plusieurs autres monuments étudiés fort minutieusement : demeures des Estissac à Niort et à Mouzeuil et surtout le jubée de Maillezais, dont la tentative de reconstitution est très éclairante. Cet édifice réalisé vers 1540 est d'un

cisme très affirmé, notamment dans ses dispositions reprises des arcs de triomphe.

Tout un chapitre enfin est consacré à la mise en évidence de l'activité architecturale de Fontenay-le-Comte vers 1540, dont la chapelle Saint-Pierre et la grande Fontaine sont de nos jours les vestiges les plus éloquents. Ces monuments que l'on avait à la fin du siècle dernier attribués à un maître d'œuvre plus ou moins mythique, en tout cas surfait, Léonard de la Réau, semblent en fait devoir être rendus au maître d'œuvre des Estissac ; de là cette grande homogénéité stylistique dans toutes les œuvres étudiées.

Richard Lévesque termine en définissant un style bas- poitevin des années 1540, caractérisé par la nouveauté de ses formes classiques, la sobriété de son ornementation et la qualité de la taille. Ce style apparaîtrait brutalement ; la région, en effet, ne montre rien de comparable à ce qu'on appelle la Première Renaissance et qui correspond aux grands chantiers de la Vallée de la Loire dans le premier quart du siècle ; on peut cependant se demander, ajouterons- nous, si cette absence n'est pas plus simplement une conséquence de destructions importantes et s'il y a bien lieu de maintenir une coupure aussi brutale.

En conclusion, menée avec fermeté, précision et érudition, l'étude de Richard Lévesque nous éclaire fort intelligemment sur les manifestations provinciales de l'évolution de l'art de construire en France au milieu du xvie siècle et l'on souhaiterait vivement voir se multiplier de tels travaux qui seuls permettront d'établir d'une manière plus rigoureuse l'histoire de notre architecture.

Gérard Mabille.