Revue des livres 195
Marie Lavigne, Économie du Vietnam. Réforme, ouverture et développement, coll. "Pays de l'Est", L'Harmattan, Paris, 1999, 191 p.
Ce livre consacré au Vietnam, conçu par une spécialiste des économies socialistes d'Europe de l'Est et de leur transition vers l'économie de marché, a évidemment une forte dimension comparatiste, mais sans négliger l'approche développementiste, la plus répandue par ailleurs dans les analyses de l'économie vietnamienne. En outre, l'ouvrage s'interroge sur les chances qu'a le Vietnam de s'intégrer pleinement dans l'économie mondiale, sur les effets pour ce pays de la crise financière asiatique et sur les perspectives de retour à une croissance durable et à une reprise des réformes après les perturbations occasionnées par cette crise. L'analyse proposée s'articule autour de trois concepts (et donc trois parties) : la transition (à la fois du plan au marché et du sous-développement à un niveau plus élevé de développement), la stratégie asiatique de développement et l'ouverture internationale de l'économie vietnamienne.
Dans la lre Partie, il est montré que le système socialiste au Vietnam a mieux réussi dans sa lutte contre la pauvreté que dans ses efforts pour améliorer les performances économiques. Mais, une fois les réformes engagées, le taux de croissance de l'économie s'est maintenu depuis 1989 à un niveau élevé, comparé aux autres pays de 1' ASEAN. Il n'en reste pas moins que 51 % de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté et bénéficie de transferts (y compris des transferts privés entre ménages ou vers les vieux parents) qui réduisent les inégalités de revenus et remplissent une fonction de protection sociale. Les coefficients de Gini font apparaître le Vietnam comme un pays relativement égalitaire, se situant à cet égard dans la tradition socialiste. Le classement du Vietnam selon l'Indicateur du Développement Humain, publié par le PNUD, est nettement supérieur à son classement selon le PIB. La pauvreté rurale, toutefois, reste un vrai problème et les politiques de développement mises en œuvre ne parviennent pas à rapprocher le niveau des zones rurales, notamment en ce qui concerne l'accès aux infrastructures (électricité, eau courante, etc.), de celui des zones urbaines.
Avec les réformes lancées en 1986 (doi moi), le Vietnam choisit de réorienter son système vers l'économie de marché, mais sans entamer une transition vers la démocratie de type occidental comme en Europe de l'Est et en refusant, par principe, la privatisation. C'est donc le secteur d'État qui est devenu, dans le cadre des réformes, le moteur du développement économique, tout en augmentant sa part dans le PIB, la croissance de la production du secteur public étant plus élevée que celle du secteur privé ; de même, pour la productivité (les entreprises d'État ont réduit l'emploi). Ceci a été facilité par le fait que, à la différence de l'Europe de l'Est, le secteur d'État vietnamien comporte une forte proportion d'industries légères par rapport aux branches de l'industrie lourde. À partir de 1989, les entreprises d'État ont bénéficié d'une autonomie de décision croissante et la planification est devenue indicative. L'endettement inter-entreprises, apparu en 1990-92 (comme en Europe de l'Est), a rapidement été consolidé en 1995. Le Vietnam s'est vu prodiguer les louanges du FMI et de la Banque mondiale pour
