Appel à communications : LA GUERRE CIVILE DU DNIESTR AU PACIFIQUE APRÈS 1917 : LES ÉCHELLES D’UN CONFLIT

Paris, 12-14 décembre 2019

Pas de pain. Pas de fer. La faim, la mort, le mensonge, l’angoisse, l’horreur… C’était l’an 19.

Boris Pilnyak, L’année nue [1920]


Il y a cent ans, l’ex-empire russe entrait dans « l’année nue », le paroxysme de la guerre civile qui s’était développée à la suite des révolutions de 1917. Longtemps, on a considéré et analysé ce conflit comme une lutte pour le pouvoir entre les « rouges » et les « blancs ».

Cette vision aux couleurs tranchées laisse aujourd’hui la place à un nuancier beaucoup plus subtil de rouge et de blanc, sans compter le vert des « bandes » villageoises et les couleurs des différents mouvements nationaux qui se sont affirmés à cette occasion. Désormais, les troubles apparaissent autant comme une lutte pour LE pouvoir que comme une fragmentation infinie du pays entre DES pouvoirs concurrents. La déliquescence, puis la disparition, de l’État impérial ouvre un espace pour l’émergence de multiples institutions (étatiques ou non) qui pouvaient aussi bien s’appuyer sur un territoire que sur un groupe politique, social ou ethnique…

C’est cette diversité que ce colloque souhaite étudier. Il ambitionne de déconstruire, pour mieux les comprendre et les appréhender, les grandes notions utilisées par les historiens. Doit-on parler de la guerre civile ou des guerres civiles russes (comme J. Smele) ? Qu’est-ce que cette « guerre » ? Se résume-t-elle à une somme de conflits ? À quoi correspondent les groupes communément désignés « rouges », « blancs », « anarchistes », « nationalistes », etc. ? Comment peut-on définir ces acteurs ? Quelles sont leurs pratiques ?

Le moyen que nous souhaitons développer et qu’autorisent les nouvelles sources disponibles est celui du jeu d’échelles. Ce jeu se veut d’abord vertical : il faut penser les dirigeants, les leaders, mais aussi les simples soldats ou militants. Il peut, ou doit, être également géographique : les études locales ou microhistoriques seront les bienvenues. L’immensité de l’espace post-impérial suppose une multitude de situations qui méritent d’être étudiées et comparées pour sortir d’un récit unifié que les belligérants ont cherché à diffuser, notamment après les événements. Il importe également de réinterroger les notions de centre et de périphérie en interrogeant la structuration de cet espace.

À l’échelle micro, l’individu doit réagir face au conflit selon ses déterminations sociales (classe, genre, nationalité…). La sociologie des guerres civiles contemporaines peut nourrir la réflexion sur les trajectoires personnelles, les manières de prendre position ou de s’accommoder, les façons de subir le conflit par assignation (ethnique, de genre…) ou au contraire d’en faire l’opportunité d’une bifurcation ou d’une promotion sociale. La question de la violence — nourrie par la révolution et la contre-révolution — qui a monopolisé l’attention après la « fin du communisme », ne se pense plus seulement comme une violence institutionnelle, mais aussi dans une pluralité de manifestations (viols, pogroms…) et dans le contexte plus large de la sortie de la Première Guerre mondiale. On peut dès lors comparer la situation dans l’ex-empire russe à celle d’autres pays européens à la même période et observer les interactions et ingérences entre pays, mais aussi les similitudes et les spécificités d’un pays à l’autre.

L’échelle enfin peut être chronologique. Il s’agira de penser la guerre civile dans la profondeur du temps. Elle a laissé des traces sous forme de représentations (images, sons, objets), mais aussi de comportements individuels, et de rapports sociaux. Elle a été une « expérience formatrice » (Sheila Fitzpatrick) non seulement pour le régime soviétique, mais aussi pour la société, dans leurs pratiques et relations réciproques. Ces années de privation, d’arbitraire et de violence ont également été un traumatisme que les individus, les familles, les groupes sociaux et les institutions ont dû surmonter en produisant de façon différenciée des discours, mais aussi de l’oubli.

Ce colloque voudrait participer du renouvellement historiographique en présentant des études de cas à différentes échelles fondées sur des sources originales selon les lignes suivantes :

  • 1— TERRITOIRES/POPULATIONS/INSTITUTIONS

La guerre civile est un moment politique. Elle suppose une multitude de tentatives de création d’institutions ou d’États comme en Ukraine ou en Russie. Les contributions pourront s’interroger sur les pratiques de construction d’États et d’appareils politiques ou militaires, par exemple, ainsi que sur l’implication des individus dans ces processus.

On s’intéressera également au caractère national ou supranational de ces institutions dans une révolution qui revendiqua aussi bien un internationalisme militant que le droit des peuples à créer des nations.

  • 2— MATÉRIALITÉ DE LA GUERRE/COMBATTANTS/ VIOLENCE/HAINE(S)

Les contributions pourront s’interroger sur la façon de faire la guerre civile au sens le plus matériel du terme. L’extrême violence de la guerre doit être étudiée plus précisément dans ses pratiques et ses manifestations.

Quels sont les objets de la guerre civile ? Les armes ?

À quoi ressemble la vie des combattants ?

Comment endurent-ils la faim, la maladie ?

Quels sont les fronts de la guerre civile ? Comment s’organisent-ils ? Quelle matérialité ?

Comment domine-t-on les espaces de la guerre civile ? Comment prend-on le contrôle des villes et les campagnes pendant la guerre civile ? Comment circulent l’information, les ordres, les projets ?

La question de la santé dans la guerre civile pourra également être abordée : quel fut le rôle des institutions sanitaires (dont les Croix-rouges), les luttes contre les épidémies ou la façon dont les blessés furent traités, par exemple ?

Il faut aussi interroger la place des civils. Sont-ils une gêne pour les opérations, une masse à assujettir, à déplacer ou des acteurs du conflit ?

  • 3— GUERRE CIVILE ET INTERNATIONALISATION DU CONFLIT

L’histoire de l’intervention étrangère peut-elle être réécrite ? Des sources nouvelles autorisent-elles une relecture des engagements internationalistes ? Une histoire des pratiques ? Des interactions locales ?

  • 4— REPRÉSENTATIONS ET TRACES DE LA GUERRE CIVILE

La question de la mémorialisation de la guerre civile (et de son histoire) fera l’objet d’une partie de notre réflexion. Comment se construit l’histoire de cette guerre et comment se donne-t-elle à voir dans des musées et des monuments ? Aussi bien dans les semaines ou les mois qui suivent les combats que plusieurs décennies après.

INFORMATIONS PRATIQUES

Comité d’organisation : Éric Aunoble (Université de Genève), Jean-François Fayet (Université de Fribourg), François-Xavier Nérard (Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne)

Avec le soutien du LabEx EHNE

SOUMISSION DES PROPOSITIONS

Les propositions de communications, de 300 mots environ, rédigées en français ou en anglais et accompagnées d’un bref CV (1 page maximum) sont à envoyer avant le 1er mai 2019 à l’adresse suivante conferencecivilwar@gmail.com

Les organisateurs du colloque prendront en charge l’hébergement et le repas des participants pendant la durée de la manifestation. Merci d’indiquer également si vous avez besoin d’une prise en charge partielle ou totale de vos frais de transport. Le budget, limité de la manifestation, ne permettra pas une couverture généralisée de ces dépenses.



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FXN (2019, 22 février). Appel à communications : LA GUERRE CIVILE DU DNIESTR AU PACIFIQUE APRÈS 1917 : LES ÉCHELLES D’UN CONFLIT. Russies contemporaines. Consulté le 29 mars 2024, à l’adresse https://doi.org/10.58079/nc5r

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