Gérard SABATIER, Versailles ou la figure du roi, Paris, Albin Michel, «Bibliothèque Albin
Michel ». Histoire, 1999, 702 p.
On ne peut évidemment se satisfaire d'un parcours rapide de ce monumental travail, encore moins se contenter d'un exposé de quelques pages. 11 requiert et mérite une lecture lente et attentive, un rappel permanent des connaissances acquises, et invite souvent à un va et vient (laborieux) du regard entre le texte et l'une des nombreuses images qu'il décrit, commente et rend lisible. La matière en est débordante de richesse, l'approche un peu ardue malgré l'aspect séduisant du thème annoncé, la bibliographie très documentée. Bref, on l'aura compris, c'est un bel instrument d'étude qui est mis désormais à notre disposition.
Car le titre, dont la reproduction photographique en couleurs sur la page de couverture, achève d'en développer le sens prédicatif, pourrait à lui seul susciter la méfiance d'un lecteur déjà lassé ou rebuté d'études antérieures sur le même sujet, brillantes pour certaines d'entre elles, mais hasardeuses, spécieuses, surfaites, et dont la vogue a contribué à mener la recherche dans une vraie impasse. En un tel contexte de suivisme et d'immobilisme, ce livre pouvait sembler arriver trop tard, pourtant annoncé et préparé par de nombreux articles et communications du même auteur, mentionnés dans la Bibliographie. Aussi la rétrospective historique et critique servant de prologue («Versailles et les historiens», p. 9-47) s'impose-t-elle, qui situe et définit lumineusement le projet et la démarche de M. Gérard Sabatier, et en regard d'une histoire assez mal connue, en démontre à la fois l'opportunité et la nouveauté. Le lecteur méfiant peut donc se rassurer, qui apprend ici que Versailles, ses châteaux, jardins et dépendances, attendit fort longtemps que les historiens, archivistes et historiens de l'Art s'y intéressent sérieusement. Trop longtemps, et encore aujourd'hui (les mythes ont la vie si dure...), Versailles, ce lieu aux multiples et divers usages et fonctions, fut l'objet de discours de l'ordre du fantasme où régnèrent et voisinèrent ignorance, préjugés et de nostalgiques errances.
Est donc retracée, dans ce prologue, l'histoire mentale, idéologique, culturelle, du site depuis octobre 1789, jalonnée de dates décisives : celle du 10 juin 1837 lorsque fut inauguré le Musée dédié à toutes les gloires de la France, et plus prosaïquement, à celle du régime de Louis-Philippe ; puis, après une période de relatif oubli, celle de 1871 avec le brutal et compromettant retour de l'histoire et de la politique. Une réhabilitation dans la mémoire nationale était alors indispensable, à laquelle contribuèrent Henry Jouin (1821-191 1), défenseur de Charles Le Brun, et un Pierre de Nolhac (1859-1936), à la carrière si riche et diverse, et qui tenta d'assigner au site une fonction esthétique, qu'il importait de restituer, sauvegarder et maintenir. Mais cette cohorte de Conservateurs, de Nolhac à Pierre Lemoine et Jean-Pierre Babelon, qui a tant œuvré pour nous faire mieux connaître Versailles, n'a pas empêché l'hostilité et l'incompréhension de principe d'un Ernest Lavisse d'imprégner durablement l'historiographie officielle et militante de la (IIIe) République, pourtant désormais apaisée, et le fossé demeura béant entre cet a priori , générateur
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