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Discussion sur le projet de décret concernant les protestations contre la Constitution, lors de la séance du 23 septembre 1791

[travail de l'Assemblée et productions du roi et des ministres]

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M. Prienr. Il est encore un autre objet sur lequel doit porter le décret dont il s’agit. 11 nie paraît dans l’ordre que la naiion n’accorde au¬ cune pension, aucun traitement quelconque à des hommes qui s’en séparent par des protestations, qui cherchent à allumer dans son sein le feu de la guerre civile par la manifestation de leurs principes. Je crois qu’il faut décréter que ces in¬ dividus ne pourront toucher sur le Trésor public aucun traitement ni pension. (Applaudissements .)

M. Duport, rapporteur. Je crois qu’il ne peut être question de cet objet quant à présent, et j’observe que les principes ne sont pas les mêmes suivant qu’il s’agit de pensions ou de traitements. S’agit-il en effet des traitements relatifs à l’exer¬ cice actuel de fonctions publiques ? 11 est évident que ceux qui sont déclarés incapables de remplir ce Jbnctions ne sont pas recevables par cela même d'en percevoir les traitements. S’agit-i ! au con¬ traire de pensions de retraite pour des fonctions antérieures ? Je crois aiors que les principes de la justice exigent qu’on fasse une distinction ; je crois que tout homme qui a rempli une fonction, qui vivait sous un régime qui lui a assuré des appointements tant qu’il servirait et qui lui a garanti une retraite lorsqu’il quitterait 1-service, je crois, dis-je, que cet homme-là, dès qu’il a accompli le temps de service déterminé et les conditions du contrat qu’il devait remplir, ale droit d’attendre que la naiion remplisse les siennes : il a exécuté la première partie du con¬ trat ; la nation doit exécuter l’autre.

Je dis, pour particulariser cette question, qu’un homme qui a servi dans le militaire, qui y a servi un temps déterminé sur la foi d une re¬ traite, a un droit acquis et qu’il doit recevoir sa retraite, soit qu’il quitte le pays ou non, soit qu’il se fasse étranger ou qu’il reste Français, l’obligation nationale reste la même ; le droit est acquis, et de ce moment il n’est pas juste de l’en priver. S’il est vrai qu’en quittant le pays, il ne devient pas pour cela incapable de recevoir le traitement à lui promis et qu’il a acquis par ses services, je crois que celui qui refuse de prêter le serment civique, ou qui proteste contre la Cons¬ titution, fait évidemment l’acte d’un homme qui ne veut pas exister comme Français, qui ne veut plus se soumettre aux bienfaits de la société française et profiter de ses avantages ; mais je ne crois pas qu’il faille cesser pour cela l’exécution du contrat antérieur qui existait entre la nation et lui.

Je crois donc que la justice exige qu’il lui soit payé ce qu’il a mérité par sa conduite, et que dès que la loi lui avait réservé une pension ou un traitement de retraite, rien ne peut le lui en¬ lever.

Maintenant on dit que les auteurs de ces pro¬ testations troublent fa tranquillité publique du royaume par la manifestation de principes très dangereux : ceci est un autre objet. S’ils se trou¬ vent répréhensibles aux yeux de la loi, parce qu’ils auront violé l’ordre public, la loi doit décer¬ ner contre eux les peines qu’il sera nécessaire. Mais il est à obsi rver que de même qu’on peut quitter sa patrie pour aller vivre sous une Cons¬ titution étrangère, de même aussi on peut vivre en étranger dans le sein du royaume sans avoir reconnu la Constitution française, pourvu que l’on ne résiste pas aux autorités constituées, que

l’on obéisse à toutes les lois qui sont communes aux citoyens et aux étrangers, et qu’on ne trouble pas l’ordre public, quoi qu’on ait une opinion différente de ceux qui ne font pas partie de la société.

Ce n’est donc pas un délit que de faire une déclaration contre la Constitution ; aussi le pro¬ jet de décret que nous vous proposons n’est pas une peine contre les protestataires. C’est une chose extrêmement simple que de dire à ceux qui ne croient pas à l’autorité d’une Constitution : vous ne serez point appelés à remplir les fonc¬ tions qu’elle a instituées. 11 ne faut pas regarder cela comme une peine, mais simplement comme la déduction d’un principe extrêmement clair, comme Ta conséquence nécessaire ne leur renon¬ ciation. Ce serait, au contraire, leur infliger réelle¬ ment une peine que de les priver de traitements précédemment acquis.

M. 'Vernier. Il est bien vrai que les pensions accordées sont en raison des services passés, mais en même temps sous la condition implicite de tenir aux lois de l’Etat et d’y obéir. (Mur¬ mures .) On ne récompenserait p is un homme qui aurait rendu des services à l’Etat au moment où il va enfreindre le> lois de l’Etat. La comparai¬ son de l’homme qui s’est absenté ne peut pas pré¬ valoir ici, parce que celui qui s’absente use d’une liberté à tout homme accordée ; que ceux qui font des protestations aillent vivre sous une autre Constitution, qu’ils usent de la liberté don¬ née à tout homme d’aller ou il lui (Tait ; mais il est bien étrange que l’on accorde des récom¬ penses, que l’on paiedes traitements à des hommes qui, vivant dans le sein de la nation, ne veulent pas reconnaître ses lois pendant qu’ils y de¬ meurent.

M. Ciaultier-Biauzat. La proposition de M. Prieur est complexe et je crois qu’il y aurait du danger à vous en occuper actuellement. Si on la considère comme une peine, elle ressortit au code pénal ; mais si on l’examine plus au fond, on voit qu’elle tient à des questions de fait : ce délit peut en effet être le résultat de la méchan¬ ceté, de l’erreur ou de l’ineptie ; il faut bien le temps de distinguer cela. Ainsi de quelque ma¬ nière qu’on considère l'amendement, je ne crois pas qu’on puisse le discuter à l’instaut.

Je demande, en conséquence, non pas qu’on passe à l’ordre du jour, car la moiion n’est pas mauvaise eu soi, mais qu’on l’ajourne indéfini¬ ment ; nos successeurs verront, d’après les faits, ce qu’il pourront décréter à cet égard.

(L’Assemblée, consultée, ajourne indéfiniment l’amendement de M. Prieur.)

M. Bouche. Dans l’article 2 du projet, le co¬ mité propose d’admettre au serment tous les pro¬ testants et déclarants contre la loi de l’Etat. Quant à moi, je paraîtrai peut-être trop sévère ; mais je dois à ma conscience de dire, et une expérience malheureuse a confirmé qoe les mé¬ chants, Messieurs, ont souvent abusé de la loi du serment ; ils se sont servis de ce moyen pour vous mieux tromper. La plupart des malheurs du royaume ont été favorisés par l’abus funeste du serment. Je demande que l’on n’admette au serment que ceux qui, après avoir rétracté leurs protestations et déclarations, auraient mérité la confiance par une bonne conduite soutenue. (Murmures.) La plupart de vos fonctionnaires pu¬ blics vous ont trompés en prêtant le serment ;

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