TROISIÈME PARTIE

DES MINES ET DE LA MÉTALLURGIE

TRADITION ET INNOVATION DANS LES MINES MÉDIÉVALES

Marie-Christine BAILLY-MAITRE

La possession de métaux précieux et des mines qui les produisaient a suscité l'intérêt des puissants, particulièrement au Moyen Age. C'est dans ce domaine que s'est exercée l'ingéniosité des techniciens afin d'aller toujours plus loin sous terre et de retirer le maximum de bénéfice des exploitations minières.

De nombreux facteurs interviennent pour assurer le bon fonctionnement d'une entreprise minière : le contexte économique et politique, l'importance des capitaux engagés, la compétence des techniciens à l'extérieur et à l'intérieur de la mine, la qualité de l'outillage, mais aussi la bonne gestion de l'espace souterrain.

Au fur et à mesure que les chantiers miniers se développent en profondeur, quatre difficultés majeures apparaissent : la circulation des hommes et des matériaux, la gestion des stériles, l'aération et l'exhaure.

Les sources iconographiques et les traités techniques sont rares, voire inexistants, avant la fin du Moyen Age. Le Graduel de Kutna Hora (Bohême) daté de la fin du XVe siècle, représente un monde souterrain que les mineurs parcourent en tous sens, sans que l'on distingue de réelle organisation quadrillée de l'espace, comme l'illustrent, plus tard, les traités et les représentations figurées du XVIe siècle1. Or il s'agit d'une des mines de métaux précieux les plus importantes d'Europe.

Tout concourt à attribuer au début des Temps Modernes les innovations liées à la résolution des difficultés liées à l'approfondissement des chantiers miniers.

Mais quand ces innovations sont-elles réellement apparues? Doit-on penser que ce sont exclusivement les techniciens allemands qui véhiculent ces connaissances en se déplaçant en Europe ?

Grâce à l'étude de quelques sites bien datés, on peut mesurer, au cours du long Moyen Age, l'introduction d'une rationalisation de l'organisation de l'espace souterrain et voir apparaître des disparités régionales.

La démonstration se fonde sur les études conduites depuis plusieurs années sur le site de Brandes et sur le district minier d'Hierle2. Vargenteria de Brandis se trouve au cœur du massif montagneux de TOisans (Isère).

Mine d'argent, mine delphinale probablement liée à l'atelier monétaire de Grenoble, on peut penser qu'elle a bénéficié des techniques de pointe de l'époque, c'est à dire entre la seconde moitié du Xlle siècle et le milieu du XlVe siècle. Le district d'Hierle est situé dans le département du Gard, en limite de l'Hérault. Il s'agit d'une vaste entreprise qui a fonctionné au moins du Xlle à la fin du XlVe siècle. On dénombre plus de 60 «sites» dans un rayon de 1 km autour du bourg de St Laurent-le-Minier. Par site il faut entendre soit une halde, soit un puits, mais surtout de véritables réseaux qui se développent en plusieurs niveaux souterrains et qui ont conservé une partie de leur équipement interne. En outre, ce district est doté d'une charte octroyée par Pierre Bermont de Sauve aux argentiers. Charte composée de six articles rédigés en latin à Ganges en 1 227, et qui comporte, en fin de document, un véritable manuel d'exploitation sous la forme de onze articles en languedocien, « anciennement conservés dans les registres de la cours ».

Au-delà des différences, ces deux sites présentent assez de points communs pour rendre les comparaisons pertinentes. Dans les deux cas, le meta] recherché est [argent, métal précieux par excellence car attaché au droit régalien de__battrXrriQnna[e. Argent dansjë4alorob jKDuTBrandes (plomb argentifère), argent dans le cuivre (boumonlfëTTpotirHierle. Les minéralisations se présentent en filons. Dans les deux cas, de grandes familles seigneuriales interviennent: le comte d'Albon, Dauphin dans les Alpes, Pierre Bermont de Sauve et d'Anduze dans les Cévennes. On sait, par ailleurs, que le comte d'Albon pratique une politique systématique de prise de possession de droits sur les sites miniers de son territoire, comme à L'Argentière en Briançonnais3. La famille de Sauve et d'Anduze, proche du comte de Toulouse, possède également des droits dans les mines de Largentière en Ardèche à la même époque4. Enfin, ces entreprises fonctionnent pendant la même période.

La question de la circulation et des aménagements mis en place pour la rendre possible sont au cœur de cet article. Au passage sont également évoquées les solutions trouvées pour pallier les difficultés dues à la gestion des stériles, à l'exhaure et à l'aération.

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