Couverture fascicule

Ne pas perdre de vue les phares

[compte-rendu]

Année 2015 173-1 pp. 72-73
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lecture plus concrète de l’inventaire dressé après le décès en 1680 de la veuve de Ratabon. L’intérêt de cette étude ne se limite toutefois pas à cette restitution graphique : cette dernière conduit à une découverte remarquable. Les deux plans ainsi établis sont en effet pratiquement identiques à ceux que l’on peut voir dans le recueil dit Petit Marot sous l’énigmatique titre de «Maison particulière à Paris » : les différences sont tellement minimes (deux cloisons créant de petites annexes) que l’on peut conclure sans risque d’erreur que Jean Marot a gravé les plans de l’hôtel Rabaton. Or, il a également reproduit deux élévations sur rue et sur cour, qui semblent donc être les projets élaborés par Pierre Le Muet : une façade sur rue à grands pilastres corinthiens colossaux qui rappelle l’ordonnance de la cour de l’hôtel d’Avaux. Ce dessin spectaculaire, peut-être élaboré peu après le don du terrain par le roi à Ratabon en septembre 1660, ne concorde toutefois pas avec ce que montre le plan de Turgot (1739), où apparaît une façade beaucoup plus sobre. Cl. Mignot a donc pu en déduire que la solution prévue par Le Muet a été abandonnée au profit d’une autre, moins ostentatoire. Sans oublier que la disgrâce que connut Ratabon en 1663 put le conduire à adopter un projet moins onéreux, son hôtel peut donc être de ce fait considéré, ainsi que le souligne Cl. Mignot, comme un témoin du glissement du goût vers une architecture plus sévère. Cette belle découverte a enfin un autre intérêt, celui d’apporter un élément précieux pour comprendre l’histoire du Petit Marot. On ne s’étonnera en effet plus que les planches de la «Maison particulière à Paris » , ainsi situées vers 1660-1664, ne figurent pas dans la liste d’estampes de Marot déposées chez un notaire le 12 octobre 1659 et ne se trouvent pas dans l’exemplaire portant la date manuscrite de 1659 conservé à la Bibliothèque nationale de France (Rés. M-V-176) : comme l’avait souligné Cl. Mignot dans les Mélanges offerts à Maxime Préaud (L’Estampe au Grand Siècle, Paris, 2010, p. 305), elles appartiennent en fait à un groupe de six planches que Marot ajouta entre 1659 et 1664. Le dossier de l’hôtel Ratabon, extrait de la thèse de Cl. Mignot sur LeMuet dont on espère la publication, offre donc une parfaite démonstration de l’intérêt de l’ «archéologie de papier » : il montre que le rassemblement de tous les documents possibles, même déjà connus, afin de proposer une restitution graphique du bâtiment permet non seulement de rendre vie à un important édifice disparu, mais encore d’ouvrir à des observations qui, dépassant le cadre monographique, enrichissent bien plus largement nos connaissances. Cette impeccable démonstration de Claude Mignot, alliant une minutieuse étude des sources, une érudition sans faille et une force de restitution convaincante, n’a pu que réjouir J.-P. Babelon. ‒ Claude Mignot, «L’archéologie de papier à l’oeuvre : l’hôtel d’Antoine de Ratabon à Paris (1664) » , Mélanges en l’honneur de Jean-Pierre Babelon, Pau, Société Henri IV, 2014, p. 201-213. Étienne Faisant

Architecture, vitrail, décors

XIXe-XXe siècle

Ne PAS PeRdRe de Vue LeS PHAReS. – Pour la seconde fois, La revue des jeunes chercheurs en architecture traite des phares et leur consacre un numéro de huit articles rassemblés par Olivier Liardet, organisateur d’une campagne de protection des phares au titre des monuments historiques dans la région Nord-Pas-de-Calais. depuis le protocole d’accord interministériel signé en 2000 1 destiné à établir un inventaire des phares et un programme de protection, depuis la publication de la thèse de Vincent Guigueno 2, plusieurs ouvrages sur les phares ont vu le jour et le beau volume «Monuments historiques des côtes de France, Phares » 3 suit de peu ce numéro des Livraisons d’histoire de l’architecture. C’est dire que le sujet connait une actualité régionale et nationale. Les phares sontils pour autant armés pour survivre ? Certes, ils sont mieux reconnus des autorités régionales, certains ont été classés ou inscrits au titre des monuments historiques 4, mais il ne faut pas oublier que les phares désormais sans gardiens, aux signaux automatisés, sont pour la plupart, en déshérence et menacés dans leur intégrité matérielle ; ils constituent donc un aspect du patrimoine maritime bien menacé depuis que leur activité ne sert plus guère qu’à la navigation de plaisance. Ce numéro dense propose bien à propos quelques études dont les enjeux sont graves : faire comprendre quelle fut l’importance économique ‒ pour la circulation maritime ‒ et diplomatique, pour la maîtrise des mers de ces édifices qui ponctuent le littoral français ; rappeler le soutien par Napoléon III des minorités chrétiennes et de la présence française au Moyen-Orient au temps où un Marius Pacha construisait du Bosphore à l’Érythrée un chapelet de phares. La stratégie nous est désormais familière : une connaissance scientifique approfondie doit faciliter modestement mais sûrement une prise en compte de ces chefs d’oeuvre de l’inventivité technique et éviter leur détérioration rapide, c’est pourquoi la publication de ce numéro spécial est salubre. Après l’étude pionnière en 1970 de Jean Guillaume attirant l’attention sur le manifeste politique que représente le phare de Cordouan 5,

Christopher drew Armstrong et Olivier Liardet, avec «des phares au concours : de l’Académie royale d’architecture à l’École des Beaux-arts, 1745-1966 5 » mettent en avant l’importance du phare comme monument royal et partant celle des concours et des enseignements sur ce thème réitérés chaque décennie. On connait le rôle déterminant de Léonce Reynaud dans la direction des phares et balises et l’article de Marcelo Puppi, «L’imagination des phares chez Léonce Reynaud » met l’accent sur les convictions saint-simoniennes de cet ingénieur disciple de Jean-Nicolas-Louis durand et de son frère Jean. Avec deux articles, Vincent Guigueno, «Le phare en pièces détachées. Amédée et les toursmétalliques du xIxe siècle » et Fabienne doulat et André Pavlovsky, «Les feux de Saint-Jean-de-Luz. La modernité aux accents néo-basques » , les aspects techniquement novateurs des phares sont mis en relief. Hervé Raulet, Yves Hémar, Henry Auffret, «variations autour du phare breton » et Anne Lebfèvre et Olivier Liardet, Louis Quétélar, «le phare de la Canche au Touquet » présentent l’interprétation régionale du programme, voire la persistance de ses traditions. L’article d’Alain delaval, consacré aux phares construits par Maurice durand (1884-1978) sur le littoral vendéen éclaire un des aspects les moins connus de l’activité de cet architecte prolifique des Sables d’Olonne. Architecte des Monuments historiques de la Vendée (1930) puis architecte départemental (1937), il est auteur d’innombrables maisons individuelles, de mairies, salles des fêtes, garages, hôpitaux, casernes, casinos, magasins et monuments aux morts. Après la guerre, durand collabora avec le service des phares et balises pour la reconstruction de trois phares détruits par les troupes allemandes en 1944 en donnant des esquisses où il mit à profit son premier exercice de 1907 «un phare à l’entrée du port de New York » . Si ces reconstructions des années 1950 en matériau traditionnel ou de récupération témoignent d’une certaine modernité (les deux phares de l’Île d’Yeu, la Petite Foule et la pointe des Corbeaux et le Grouindu-Cou à la Tranche-sur-mer), une décennie plus tard, avec le phare l’Armandèche, durand dota les Sables d’Olonne d’une création à michemin entre architecture et sculpture. Le projet, ambitieux par sa situation entre la laisse des plus hautes mers et le rocher au nord de l’en-72 Chronique

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