No full text
Scientific conference in universities or research centers (Scientific conferences in universities or research centers)
Pour une écologie libertaire. Approche critique de la modernité
Darcis, Damien
2022
 

Files


Full Text
No document available.

Send to



Details



Keywords :
Écologie politique, anarchie, vivants non-humains, modernité, contre-modernité
Abstract :
[fr] Pour une écologie libertaire Penser sans la nature, réinventer des mondes SYNOPSIS _________________________________________________________________ Contenu : Remarque préliminaire 1. Orientation donnée à l’ouvrage 2. Structure et aperçu synthétique 3. Une brève biographie de l’auteur _______________________________________________________________ Remarque préliminaire Une anecdote est à l’origine de ce livre. Un jour que j’étais parti photographier les bouquetins dans l’une des plus belles réserves naturelles des Alpes, alors que j’avais grimpé des heures durant, loin de tout sentier, que j’étais tout entier envahi par la sensation d’être « en pleine nature », les quelques mâles relativement âgés que j’ai rencontré au sommet portaient tous, sans exception, outre un collier GPS, deux bagues colorées à chacune des oreilles. C’était bien avant que j’apprenne le massacre, avec l’aide des hélicoptères de l’armée, de centaines de bouquetins dans le Massif du Bargy. Je fus d’abord saisi par un sentiment de tristesse à l’idée que ces animaux, que je photographie depuis des années, étaient désormais accoutrés comme pour sortir un vendredi soir. Puis, très vite, ce fut un petit effondrement : il me semblait que l’on venait de me retirer une part de ce que j’aimais dans ce monde. Dans ce que je me représentais naïvement comme un sanctuaire naturel, les animaux emblématiques des sommets étaient suivis, tracés, surveillés par satellite. Bien entendu, j’ai toujours su que la nature faisait l’objet d’un contrôle qui, à bien des égards, me paraissait tout à fait légitime, mais cette fois-là, cette rencontre emporta tout. Je ne pus m’empêcher de penser, en redescendant, que quelque chose n’allait pas, que ce monde que j’avais autour de moi était faux. 1. Orientation donnée à l’ouvrage La modernité industrielle est aujourd’hui désignée comme la cause principale de la crise écologique. Si celle-ci ne mettra peut-être pas un point final à l’histoire de l’humanité, elle transformera à coup sûr – radicalement – nos sociétés. Dans ce cadre, des voix de plus en plus nombreuses appellent à repenser notre rapport à l’environnement. Il s’agirait, pour certains, de préserver la nature, c’est-à-dire non seulement les ressources naturelles dont nous dépendons, mais aussi, plus largement, les écosystèmes et la biodiversité. Il faudrait, pour d’autres, plus radicaux, révolutionner nos modes de vie. Mais réinventer notre rapport au monde ne va pas de soi. Celui-ci est un milieu de vie au sens où ceux qui y vivent se l’approprient. Les découpages modernes, comme exemplairement, celui qui oppose le présent au passé ou l’humain à la nature nous semblent normaux ou évidents : dans un ancien village classé, nous contemplons un passé que nous éprouvons comme coupé de la vie moderne ; sur un sentier de montagne, nous avons l’impression d’être en « pleine nature », c’est-à-dire dans un monde à part, en tout point différent de celui dans lequel vivent les humains. La familiarité du monde moderne ne signifie pas que ce monde ne pose pas de problèmes, mais que ceux que nous posons sont peut-être, à leur tour, trop évidents, c’est-à-dire trop dépendants de ces découpages que nous n’interrogeons pas. À bien y regarder, le parking sur lequel on gare sa voiture à l’extérieur du village classé contribue à le faire exister comme un ensemble patrimonial en tout point distinct du monde moderne ; la cabane d’observation depuis laquelle, bien caché, on observe la vie des oiseaux, fait apparaître le marais comme une nature séparée du monde des humains. Dans cette perspective, il n’est pas certain que les catégories modernes soient encore pertinentes pour parvenir, dans ce monde, à penser et à dégager des futurs désirables, sauf à trop vite considérer, par exemple, qu’une smart city accolée à une réserve naturelle et à un ancien village patrimonialisé constitue une transformation de nos manières de vivre. Autrement dit, il faut prendre le temps de nous désaccorder de ce monde trop familier. Pour ce faire, nous réfléchissons à partir de situations très concrètes. Il ne s’agit évidemment pas d’affirmer que les idées n’ont pas leur place dans ce livre, mais on irait peut-être un peu vite en considérant, trop simplement, qu’il suffit de mobiliser les textes de Jean-Jacques Rousseau ou d’Alexander von Humboldt pour réussir à se défaire d’un cartésianisme ayant justifié, à lui seul, l’exploitation de la nature. Les représentations à travers lesquelles nous percevons le monde n’ont pas été inventées par un philosophe, puis installées une fois pour toutes dans notre tête, mais elles ne cessent jamais de prendre forme dans notre cadre de vie, à travers nos expériences les plus quotidiennes. Pour mieux faire sentir ce qui fait la spécificité des découpages du monde moderne, nous avons pris le parti de les raconter et de les interroger à partir des transformations qu’ils ont imposées à un autre monde : la paysannerie, c’est-à-dire celui de communautés autonomes, auto-subsistantes entretenant avec leur territoire une relation de co-construction impensable au départ des catégories modernes, en particulier celle de patrimoine et de nature. En revenant sur la création des folklores et des régionalismes, puis sur la valorisation des savoir-faire locaux avec les Appellations d’Origine Protégée et des ensembles patrimoniaux, mais également sur les premières mesures de protection des espaces naturels, sur les conflits de territoire opposants des chasseurs, des écologistes et des responsables politiques dans le cadre de la mise en réserve naturelle d’un espace de montagne ou encore sur la restauration d’une pelouse calaminaire proche d’une ancienne zone industrielle, nous montrons comment la modernité s’est dotée d’une histoire, très largement fantasmatique, en même temps qu’elle a inventé la nature. Nous faisons ainsi le pari suivant : assumer l’artificialité des découpages permet de dégager d’autres manières de composer des mondes, plus riches en vivants, mais également plus libres. Penser sans la nature, pour reprendre une partie du titre de ce livre, ne signifie donc pas qu’il ne faille plus s’en préoccuper, mais plutôt que de s’y rapporter en nous demandant comment nous pourrions conserver un morceau d’histoire ou de nature qui aurait échappé aux affres de la modernité, nous pouvons expérimenter d’autres façons de composer des mondes remettant radicalement en jeu le rapport aux découpages modernes. En revenant sur des expériences politiques comme les ZAD, mais également sur des démarches en apparence plus anodines comme celles qui, brouillant les découpages modernes, visent à réintroduire des animaux sauvages comme le faucon dans des milieux fortement urbanisés, nous montrons que déconstruire l’idée de nature permet de réinventer partout des mondes plus libres et plus riches en vivants, jusque sur les pelouses des grands-ensembles, dans la rue en cul-de-sac d’une grande ville, dans une banlieue industrielle ou un espace naturel protégé. 2. Structure et aperçu synthétique Le livre se divise en 6 chapitres précédés par une introduction. Il comporte une préface de Thierry Paquot, philosophe de l’urbain et un épilogue « J’ai besoin d’une forêt impeccable ». Fables de la nature rangée écrit par Maud Hagelstein, Chercheuse au FNRS en Philosophie (Visual Studies), Maitre de Conférence à l’Université de Liège. Introduction : Pour poser le cadre théorique du livre, nous sommes partis de la critique contemporaine de la modernité en montrant comment le détachement moderne par rapport aux territoires locaux, longtemps présenté comme l’un des moteurs de l’émancipation de l’humanité, fait aujourd’hui l’objet de critiques multiples, théoriques (Philippe Descola, Bruno Latour) et pratiques (les Nouveaux Paysans, les ZAD). Celles-ci cherchent à redéfinir, contre l’idéal moderne, l’idée d’émancipation par l’attachement aux territoires. Mais pour saisir l’intérêt de ces expériences collectives, identifier ce qu’elles transforment, il faut d’abord comprendre le monde auquel elles s’opposent. Chapitre 1. La modernité : Il s’agit, en revenant sur la métaphysique (les interrogations touchant à l’existence humaine) et ses expressions littéraires, sur les productions cinématographiques, sur l’organisation des loisirs (le tourisme vert, les activités de plein air) puis sur l’aménagement du territoire (le développement des smart cities, la création de réserves naturelles) ou sur les « nouvelles » politiques environnementales (mesures de compensation), de montrer que l’opposition entre l’humain et la nature structure l’ensemble de la société moderne. Dans le cadre de la crise écologique, alors que l’humain « en général » est désigné comme le principal destructeur de la nature, l’écologie pourrait bien justifier la mise en place d’une société de contrôle de plus en plus dure. Chapitre 2. Le Cosmos : L’histoire de la paysannerie (avec Henri Mendras et Bernard Charbonneau, mais également Jean Giono) nous permet montrer que celle-ci a, jusque très récemment, composé un monde en tout point différent du monde moderne. Dans le Cosmos paysan, il n’y a pas l’humanité d’un côté et la nature de l’autre, mais une tension constante ou une relation qui, bien que conflictuelle, fait exister un monde commun composé d’espaces plus humanisés et d’autres plus sauvages, mais que l’on ne peut cependant jamais parfaitement distinguer. La révolution industrielle, pourtant souvent présentée comme un phénomène urbain, a pour condition de possibilité l’industrialisation des campagnes afin de les rendre plus productives, autrement dit, la destruction du Cosmos paysan. Cette destruction, loin d’être univoque, s’opère à travers l’homogénéisation et le redécoupage des territoires en trois grandes zones : l’industrie, le patrimoine et la nature. Chapitre 3. L’Industrie : L’analyse des transformations territoriales (déboisement, arrachage des haies, création de barrages, développement du réseau de communication), politiques (code forestier, politique de remembrement agricole), économiques (fin de l’économie de subsistance paysanne), sociales (disparition des fermes au profit des exploitations agricoles, éclatement des savoirs paysans) imposées aux campagnes par l’industrie nous conduit à affirmer que les catégories avec lesquelles nous pensons sont désormais obsolètes : les différences entre les campagnes et les villes s’effacent dans un même ensemble (la Grande-Banlieue pour reprendre les mots de Bernard Charbonneau) au moment même où les premières sont enrôlées pour le développement des secondes. Les représentations bucoliques de la paysannerie, véhiculées dans de très nombreuses productions artistiques, ont permis, d’un côté, de justifier la destruction des mondes paysans, celle-ci étant présentée comme un mouvement de civilisation (comme dans la série télévisée à la mode Cécilia, médecin de campagne) et, de l’autre côté, paradoxalement, d’invisibiliser cette destruction en entretenant l’image d’une paysannerie existant hors du temps (celle mise en scène dans les Chroniques Bucoliques de Jean Taillemagre ou dans les films de René Allio). Chapitre 4. Le Patrimoine : L’industrialisation des campagnes s’est accompagnée d’un autre mouvement visant, cette fois, à mettre en valeur son « histoire », ses savoir-faire ou ses caractéristiques sous une forme nouvelle, celle du patrimoine. Paradoxalement, dans le cas du patrimoine, comme de la nature, ce sont souvent ceux qui les détruisent qui, dans le même temps, cherchent à en préserver certains aspects. En partant de la colonisation des vallées alpines par la bourgeoisie genevoise, des descriptions folkloristes des mœurs villageoises et des premiers guides touristiques, puis en nous appuyant sur des cas d’étude comme la constitution de cahiers de races pour les vaches, l’histoire du reblochon ou, plus largement, la mise en valeur des produits régionaux grâce aux AOP, nous montrons comment, bien loin de conserver des pratiques existantes, la modernité s’invente des racines, des traditions, un patrimoine. Chapitre 5. La Nature : L’industrialisation, indissociable des cursus en économie et exploitation des ressources naturelles, conduit à percevoir l’environnement comme une nature que l’on va pouvoir exploiter ou protéger pour elle-même. En revenant sur l’histoire des futaies jardinées, des tourbières, des roselières ou encore des aulnaies marécageuses, chaque fois nées du travail des communautés paysannes, nous dégageons la contradiction au cœur de l’idée de conservation de la nature : une fois vidés de ceux qui les façonnent, les milieux naturels tendent à « s’appauvrir » (ils se reboisent par exemple). Loin d’être laissés à leur existence propre, on intervient constamment sur ces milieux, mais ces interventions sont désormais confiées à des spécialistes. Plus radicalement, le retour proposé par ce livre sur les modes de gestion ou sur les restaurations de milieux naturels (notamment des pelouses calaminaires) permet de montrer qu’ils sont moins conservés que fabriqués. Enfin, l’analyse des cas de réintroduction d’animaux sauvages (celui des Tétras-Lyres dans les Fagnes ou des Gypaètes Barbus dans les Alpes) envisagés parallèlement à d’autres touchant à la gestion des nuisibles (les Rats Musqués ou les Renards) nous conduit à poser que les milieux naturels sont désormais soigneusement contrôlés, jusqu’aux interactions entre les vivants qui les peuplent. Chapitre 6. La Liberté (en guise de conclusion) : En chassant l’humain de la nature qu’ils inventent, les modernes créent deux mondes, certes connectés l’un à l’autre, inséparables l’un de l’autre, mais dont le fonctionnement propre, les connexions et les relations vont pouvoir être entièrement réorganisées pour être davantage contrôlées. Autrement dit, la nature est d’abord une invention politique permettant le contrôle des vivants, aussi bien humains que non-humains. De ce point de vue, l’émancipation politique est indissociable de la réinvention des relations entre les humains, les non-humains et le territoire qu’ils occupent. Le retour sur des expériences territoriales comme les ZAD, puis sur la présence d’animaux sauvages dans un milieu qui n’était pas le leur (les Faucons Pèlerins dans les centres urbanisés), nous amène à conclure que l’enjeu n’est plus tant de défendre la nature que d’inventer, dans des cadres chaque fois particuliers (une rue, une banlieue, un ancien champ de betterave) de nouveaux environnements plus riches en vivants, plus forts et plus libres des interactions (y compris problématiques) qu’ils sont susceptibles de nouer entre eux. 3. Brève biographie de l’auteur Docteur en Philosophie de l’Université de Liège, Damien Darcis est aujourd’hui Professeur de Philosophie politique à l’Université de Mons. Il travaille sur les mouvements de contestation sociale mettant en jeu les espaces urbains ou, plus largement, les territoires (squats à Calais, mouvement des gilets jaunes, ZAD). Ses recherches actuelles s’inscrivent dans le champ de l’écologie politique. Soucieux de faire sortir la philosophie hors des murs de l’université, il intervient régulièrement dans des cadres militants ou associatifs. Ses recherches actuelles s’inscrivent dans le champ de l’écologie politique. Par ailleurs passionné de photographie nature et de montagne, il consacre une large partie de son temps à la réalisation d’un jardin dans lequel il concilie la culture de légumes, l’élevage d’animaux domestiques (notamment des moutons) et la vie des animaux et des plantes sauvages habitant déjà les lieux ou les environs. Pour une présentation détaillée : https://staff.umons.ac.be/damien.darcis/pubsfr.html
Disciplines :
Philosophy & ethics
Environmental sciences & ecology
Architecture
Author, co-author :
Darcis, Damien  ;  Université de Mons - UMONS
Language :
French
Title :
Pour une écologie libertaire. Approche critique de la modernité
Publication date :
25 May 2022
Number of pages :
15
Event name :
PhiloCité - Journée autour d'un livre
Event organizer :
PhiloCité
Event place :
Liège, Belgium
Event date :
25 mai 2022
Research unit :
A550 - Arts et Techniques de Représentation
Research institute :
Soci&Ter
Available on ORBi UMONS :
since 30 May 2022

Statistics


Number of views
2 (2 by UMONS)
Number of downloads
0 (0 by UMONS)

Bibliography


Similar publications



Contact ORBi UMONS