Abstract :
[fr] Qui est ce professionnel dénommé tantôt interprète de services publics ou en milieu social, tantôt interprète de dialogue ou de liaison ?
Cet interprète qui intervient en contexte social, médical, juridique et migratoire est petit à petit devenu une figure indispensable du dialogue entre institutions et personnes allophones depuis le début des années 1990. Nous reviendrons très brièvement sur le contexte historique mondial, européen et belge qui a vu l’émergence de cette profession.
La professionnalisation de ce type d’interprète est progressivement passée de formations ad hoc internes aux associations actives sur le terrain à des formations universitaires qui s’appuient sur un champ de recherche intrinsèquement interdisciplinaire et extrêmement foisonnant, sous-tendu par la conception de l’interprétation comme acte de communication en interaction. Ainsi, traductologie, sociolinguistique, pragmatique des interactions, pragmatique cognitive, analyse du discours, analyse de la conversation, ethnographie, interculturalité, psychologie sociale, entre autres, sont les disciplines qui alimentent les formations universitaires de cet interprète.
Quel est donc le rôle de l’interprète ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question fondamentale, nous nous appuierons sur les notions sociologiques de rôle et de position, ainsi que sur la conception fonctionnaliste de l’interprétation. Nous ferons ainsi apparaître la large palette de compétences de l’interprète.
Au fil des observations, des témoignages et des recherches menées sur le terrain depuis une perspective inductive, la conception de l’interprète passe progressivement de celle d’un interprète-outil désincarné et extérieur à l’interaction à celle d’un interprète doté d’agentivité, à même de faire le choix, parmi de nombreuses possibilités, d’un plan d’action qui entraîne un changement social dans l’interaction et la société. Plus encore, l’interprète est doté d’un pouvoir-savoir qui non seulement lui permet de concourir à la réalisation des objectifs institutionnels et de (re)définir le monde pour le destinataire, mais encore lui confère « le pouvoir de contrôler le pouvoir » symbolique qui circule entre les interactants. Nous apporterons des éléments exemplifiant cette conception de l’interprète-agens et de l’interprète-potens sur la base d’une recherche menée dans un centre de crise COVID-19 multilingue et multiculturel.