Delgrange, Mathilde
[UCL]
Moreau, Thierry
[UCL]
La question traitée dans ce travail relève de prime abord de la protection de la jeunesse, pour s’étendre ensuite, par l’utilisation et l’interrogation de concepts généraux, la capacité, la responsabilité et la responsabilisation, aux parties du droit civil et du droit pénal qui concernent les mineurs. La loi de 1965 relative à la protection de la jeunesse a instauré un régime protectionnel qui a pour fondement la présomption d’absence de discernement des mineurs et donc leur irresponsabilité pénale. Etant irresponsables pénalement, les mineurs ne doivent en principe pas être sanctionnés mais protégés. En droit civil, par ailleurs, le mineur est en principe considéré comme incapable et doit être représenté. Présenté globalement, le mineur parait recevoir un statut juridique cohérent. Toutefois, son statut tant juridique que social n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. A l’incapacité civile du mineur, ponctuée de multiples exceptions, ne correspond par son irresponsabilité civile. La présomption d’absence de discernement du mineur est remise en cause par les nouveaux modèles de réaction sociale à la délinquance juvénile qui ont vu le jour, principalement depuis la réforme de la protection de la jeunesse de 2006. La tendance du modèle pénal, du modèle restaurateur et du modèle sanctionnel est de considérer les mineurs comme des êtres capables et responsables, sur le plan juridique comme sur le plan social. Par ailleurs, les principes d’administration de la justice des mineurs et les pratiques actuelles instaurent la responsabilisation des mineurs comme objectif de l’intervention judiciaire. Le mineur se retrouve au cœur de nombreuses tensions et incohérences. Face aux paradoxes liés à son statut juridique et social, la protection du mineur est affaiblie. Ce flou quant au statut du mineur peut être lié à la confusion de certains concepts. Si les concepts de capacité, responsabilité et responsabilisation sont utilisés de manière univoque dans le langage juridique et dans le langage courant, il recouvre en réalité des acceptions très différentes. Il est aussi lié à une modification sociétale importante. L’Etat-providence a décliné pour laisser place au libéralisme économique. Cette doctrine a des conséquences sociales en ce qu’elle demande aux individus d’être personnellement de plus en plus acteurs de leur destin et dès lors responsables, tout en diminuant la responsabilité collective et la solidarité sociale. Par une confusion des concepts, ces conséquences sociales provoquent à leur tour des conséquences juridiques eu égard au statut du mineur. Pour savoir quel statut juridique attribuer aux mineurs, il faut avant tout s’interroger sur la conception que la société a des mineurs, la place qu’elle leur réserve et le modèle de justice qu’elle veut promouvoir. Le modèle protectionnel qui a pour fondement la présomption d’absence de discernement et donc d’irresponsabilité pénale des mineurs est toujours de mise dans les textes. Mais des aspects pénaux, réparateurs et sanctionnels sont aussi présents. Cette diversification dans les réponses à la délinquance des mineurs est le résultat d’un modèle de justice qui se cherche.
Bibliographic reference |
Delgrange, Mathilde. Le statut juridique du mineur et les modèles de justice : quelle protection de la jeunesse entre incapacité, responsabilité et responsabilisation ?. Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2015. Prom. : Moreau, Thierry. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:3355 |