La circulation des concepts et des positions féministes sur les violences sexuelles au sein du Lobby Européen des Femmes

Le Lobby Européen des Femmes (LEF) est la plus grande coalition d’organisations de femmes de l’UE qui influence les institutions européennes. Il représente 2500 associations de femmes dans 30 pays européens, membres du lobby via des coordinations nationales d’associations et des réseaux européens. Malgré le grand nombre de membres aux contextes socio-culturels très différents, le LEF a pris des positions publiques fortes en matière de violences sexuelles. Il se proclame en faveur de l’abolition de la prostitution et pour la pénalisation des clients de la prostitution ; contre l’excision et pour la coopération des agences européennes dans la poursuite criminelle des auteurs de mutilations génitales ; pour l’application ferme de la convention d’Istanbul contre le viol ; et en faveur de l’européanisation du droit à l’avortement. Le lobby produit alors un discours particulier pour justifier ces quatre positions politiques. Il parle de la prostitution et de l’excision comme de « violences faites aux femmes » et non pas comme de « travail/service sexuel tarifé » et « traditions culturelles ». Il définit l’avortement comme un un « droit » et non un « meurtre » et estime qu’il y a « violence d’Etat » lorsqu’un pays ne légalise pas l’IVG. Cette contribution s’intéresse donc à la circulation de ce vocable et des positions politiques qu’il véhicule sur les violences sexuelles au sein du Lobby Européen des Femmes, c’est-à-dire entre le secrétariat de salariées du LEF à Bruxelles, les coordinations nationales membres et les associations locales traitant de ces questions à la base. On étudiera donc la façon dont ce discours associatif est produit, véhiculé et approprié par les membres internes de ce lobby pour devenir un référentiel de problématisation. Pour cela, cette communication s’appuiera sur les publications et événements émanant du LEF ainsi que sur l’étude de cas de trois coordinations membres de LEF – l ’Irlande, la Belgique et la France – via des stages de terrain et des entretiens semi-directifs. L’accent sera mis sur les difficultés qu’ont eues les associations locales et les coordinations nationales du lobby à trouver du consensus sur certaines questions, puis sur la manière dont le lobby est malgré tout parvenu à émettre des positions fortes et à les diffuser.