Didirkova, Ivana
[UCL]
Le bégaiement est un trouble de la fluence de la parole qui se caractérise notamment par la présence d’un nombre accru d’accidents de parole considérés comme sévères (Monfrais-Pfauwadel, 2014). Plusieurs recherches ont tenté d’établir un classement de ces disfluences en se fondant principalement sur une description acoustico-perceptive. Ces travaux ont, la plupart du temps, relevé la présence de trois grands types de bégayages, à savoir les répétitions, les prolongations et les blocages (Van Riper, 1982 par ex.). L’objectif de cette présentation sera de prolonger ces études en proposant une catégorisation des disfluences bègues se focalisant non plus sur leur sortie acoustique mais sur les mouvements articulatoires sous-jacents. Notre hypothèse est que la terminologie généralement utilisée pour décrire les disfluences d’un point de vue perceptif ne correspond pas toujours à la réalité articulatoire. De la même manière qu’il existe différentes trajectoires et différentes cibles pour émettre un son, nous pensons trouver plusieurs configurations articulatoires possibles durant les disfluences (Didirková, 2016). Pour mener à bien cette recherche, des données EMA ont été obtenues auprès de 2 locuteurs qui bégaient (LQB) – un homme et une femme présentant une sévérité de bégaiement comparable - et 2 sujets de contrôle (SC), appariés en sexe, âge, langues et catégorie socioprofessionnelle. Ces enregistrements, qui se sont déroulés au Laboratoire Lorrain de Recherches en Informatique et ses Applications (Nancy), ont permis le suivi des mouvements des lèvres supérieure et inférieure, de la pointe et du dos de la langue ainsi que de la mandibule pour chaque sujet. En parallèle, des données audio synchronisées avec celles articulatoires ont été acquises au format .wav (44,1 kHz, 16 bits). Le traitement des données a été réalisé à l’aide du logiciel Visartico (Ouni et al., 2012). Chaque locuteur avait pour tâches (1) de lire le conte La Chèvre de Monsieur Seguin et (2) de produire de la parole spontanée en entretien semi-dirigé. Dans le cadre de cette étude, seuls les résultats obtenus en parole spontanée seront présentés tant pour les LQB que pour les SC. Cette comparaison permettra de vérifier ce qui distingue les disfluences sévères de celles produites par des locuteurs normo-fluents. Deux catégories articulatoires de disfluences ont pu être observées : celles durant lesquelles les articulateurs sont en mouvement et celles qui se caractérisent par une immobilisation des articulateurs. Dans la première catégorie citée, il est possible de relever des bégayages produits avec un fort couplage inter-articulateurs et d’autres durant lesquelles les trajectoires empruntées par les articulateurs semblent indépendantes les unes des autres. D’autres sous-catégories ont également pu être définies. Signalons enfin que cette classification englobe les trois types de disfluences relevés dans les études se fondant uniquement sur les niveaux acoustique et perceptif. En d’autres termes, au niveau articulatoire, certaines prolongations peuvent être produites de la même manière que certains blocages par exemple. Si ces résultats présentent un intérêt clinique, ils constituent également un apport dans le cadre des modèles de production de la parole. Ainsi, si l’on prend le cas de la Théorie de la Viabilité (Aubin, 1991 ; Sock, 1998), la description des mouvements des articulateurs dans la parole bègue peut constituer un indicateur en vue de savoir jusqu’à quel point un geste est viable.
Bibliographic reference |
Didirkova, Ivana. A quoi correspondent les disfluences typiques du bégaiement en termes de mouvements articulatoires ? Une étude EMA.7es Journées de Phonétique Clinique (Paris). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/198242 |