Lecuppre, Gilles
[UCL]
La traduction par Laurent de Premierfait, en 1400 et 1409, a valu au De casibus virorum illustrium de Boccace (1355-1360 et 1373) une vogue assez extraordinaire parmi les élites politiques de langue française – pas toutes nécessairement « du royaume » pour autant. Ce succès se mesure en termes de manuscrits (autour de 70) et d’éditions imprimées, mais également de traductions, et surtout d’imitations, d’hommages ou de continuations, qui ont perpétué et renouvelé la matière, puis constitué en un véritable genre la littérature des « cas » tout au long du XVe siècle (citons George Chastelain, Pierre Doriole et Antitus Faure). De la sorte, cette veine historique vouée aux biographies de personnages ayant enregistré de spectaculaires revers de fortune a dispensé ses leçons morales et politiques auprès de quantité de princes et serviteurs de l’État, en concurrence avec les chroniques les plus diffusées. Si, dans ces galeries profuses, nous faisons le choix de nous arrêter au seul groupe des rois du Moyen Âge tardif dont la mort est revêtue d’une valeur édifiante ou tout au moins signifiante, nous constatons que la notion d’exemplarité traditionnellement attachée à ces recueils s’avère insuffisante pour rendre compte des intentions de leurs auteurs. Certes, quelques-uns des monarques périssent pour leurs péchés et représentent des contre-modèles évidents, moins en raison de leur tyrannie que pour leurs passions personnelles, du reste. Pourtant, on relève plus fréquemment encore de malheureuses victimes de la perversité d’un ennemi épinglé au passage, ainsi que des martyrs en devenir qui brillent surtout par leur innocence bafouée. Enfin, les souverains tombés dans l’exercice de leur office sous les coups des comploteurs parachèvent le message véritable de ces nouveaux miroirs des princes, soucieux de la fragilité intrinsèque du pouvoir, exposée à la méditation des Damoclès de ce temps.
Bibliographic reference |
Lecuppre, Gilles. La mort des rois : quels enseignements politiques tirer du De casibus et de ses épigones ?. In: Hugo O. Bizzarri et Martin Rohde dir., La mort du roi : réalité, littérature, représentation / Der Tod des Königs : Realität, Literatur, Repräsentation, Reichert Verlag : Wiesbaden 2021, p. 57-68 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/252557 |