Huet, Amandine
[UCL]
März, Virginie
[UCL]
Van Nieuwenhoven, Catherine
[UCL]
La formation initiale des enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles repose sur un modèle d’alternance, entre les institutions de formation (Haute-Ecole) et les établissements scolaires, qui accueillent les étudiants en stage (Vanhulle et al., 2007). Bien que ce modèle d’alternance vise à davantage de professionnalisation des enseignants (Ria, 2015), force est de constater que la formation initiale peine à atteindre son objectif étant donné le haut taux d’attrition recensé (Dupriez et al., 2016), symptôme évident d’un choc de la réalité. De plus, une réforme de la formation initiale devrait, dès septembre 2023, modifier en profondeur le système éducatif belge par l’universitarisation de la formation et conduire à l’allongement d’une année de formation pour les sections 1, 2 et 3 (préscolaire, primaire et AESI). Lors de cette année de master complémentaire, le nouveau décret (Décret modifiant le décret du 7 février 2019 définissant la formation initiale des enseignants, 2021) prévoit un stage de longue durée que l’étudiant serait amené à réaliser dans un même établissement scolaire. Actuellement, la formation initiale prépare surtout le futur enseignant à « faire la classe » (Blondeau et al, 2021) et moins à découvrir et expérimenter les différentes facettes du métier de l’enseignant (März et al., 2020). Pourtant, il parait tout autant nécessaire de préparer les futurs novices à s’intégrer à l’équipe éducative et à collaborer ainsi qu’à comprendre l’organisation dans laquelle ils vont évoluer (März et al., 2019 ; Tang et al., 2016a). En ce sens, Perrot et Campoy (2009) relèvent dans la littérature ces trois domaines de socialisation : la socialisation aux tâches professionnelles qui se réfère dans l’enseignement à la compétence « faire la classe », la socialisation au groupe de travail et la socialisation à l’organisation, ces deux dernières se réfèrent à ce que nous appellerons la socialisation organisationnelle. Sur base de ces constats, le Groupe de Recherche sur l’Enseignement et la Formation de Formateurs d’Enseignants (GREFFE Insertion ), constitué de formateurs issus des cinq Hautes Écoles du réseau libre de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de chercheurs de l’UCLouvain, a récemment mené une recherche afin d’identifier en quoi le stage de fin de formation peut être considéré comme un premier lieu de socialisation organisationnelle (März et al., 2020, 2021) définie comme un processus d’apprentissage de l’enseignant en milieu de travail lui permettant d’acquérir les connaissances et les compétences sociales nécessaires pour fonctionner dans une organisation spécifique (Lacaze, 2007). Tang et ses collègues (2016a) identifient deux composantes à ce concept : la composante relationnelle, qui correspond à la dynamique collaborative permettant à une équipe éducative de travailler ensemble et avec des acteurs extérieurs, et la composante organisationnelle qui interroge la capacité à se familiariser à une culture d’établissement pour pouvoir y prendre part. Des stagiaires, leur maitre de stage, leur superviseur et les directions les accueillant en stage ont été interrogés essentiellement sur ces deux composantes du métier (Coppe et al., soumis) et appuient les constats de la littérature (Tang et al., 2016b). Cette recherche montre notamment que c’est essentiellement de manière implicite ou lors de rencontres informelles que le stagiaire comprend l’organisation dans laquelle il réalise son stage, créant chez lui une tension identitaire entre le rôle d’enseignant qu’il doit tenir et qu’on lui apprend et la place qu’il est censé se forger au sein de l’organisation (Coppe et al., soumis). Les interactions professionnelles dans l’apprentissage du métier d’enseignant semblent essentielles mais très inégalement soutenues selon les contextes de stage. De plus, la responsabilité de miser sur ce processus de socialisation organisationnelle n’est pas clairement établie entre les acteurs : incombe-t-elle au terrain, comme lieu de découverte authentique ou aux institutions de formation qui devraient y accorder plus d’attention dans leur cursus au sein de cours ? S’agit-il des programmes de deuxième espace dans lesquelles les institutions de formation fournissent la théorie et les étudiants doivent appliquer la théorie via leurs stages sur le terrain (Beck, 2020)? Ou est-ce que la socialisation organisationnelle demande de réimaginer la formation initiale des enseignants et d’établir des partenariats moins hiérarchisés ? Par exemple, dans un troisième espace qui favorise une approche participative avec les différents acteurs impliqués dans la formation des enseignants et une co-construction des connaissances (Beck, 2020 ; Zeichner, 2010). Dès lors, comment préparer, dès la formation initiale, les étudiants à la complexité de leur futur métier ? Puisque la formation initiale se focalise surtout sur l’enseignement en salle de classe, comment peut-elle, à travers les stages, préparer aussi aux autres dimensions du métier ? Mais avant toute chose, comment s’assurer que les constats dressés par la recherche coïncident bien avec ceux repérés par les acteurs du terrain, incontournables dans la formation pratique des stagiaires ? Pour répondre à ces questions et anticiper d’autres modalités de développement des compétences professionnelles par le biais des stages, le GREFFE Insertion a souhaité mettre en place une recherche-action à partir de septembre 2020 (Morrissette, 2013) rassemblant différents acteurs gravitant autour d’un stage : chercheurs, superviseurs, maitres de stage, directeurs et novices. Peu d'études ont analysé les rôles respectifs, concertés ou non, de tous acteurs impliqués (Willegems et al., 2017). Ainsi, dans ce chapitre, notre objectif est double. Dans un premier temps, il s’agit de s’assurer que la problématique identifiée dans la littérature, à savoir une volonté d’ouvrir à la formation de tous les aspects du métier d’enseignant, par le biais de la socialisation organisationnelle, est reconnue par les différents acteurs en charge de l’accompagnement des stagiaires et d’identifier les contours que pourrait prendre un dispositif de stage innovant. Également, puisque la réforme incite à plus de collaboration entre les milieux de formation, il nous parait tout à fait important d’analyser les processus à l’œuvre dans une recherche qui vise leur rapprochement. Car, si une recherche-action ambitionne avant tout le changement de pratiques (Bourrassa et al., 2007 ; Morrissette, 2013), elle peut également être un levier de développement professionnel pour les différents acteurs impliqués (Yvon et Join-Lambert, 2007). Pour analyser cette dynamique et bien comprendre les processus à l’œuvre au sein de ce type de recherche, nous questionnons donc dans un deuxième temps trois éléments : 1) les motifs qui ont poussé les participants à s’engager dans cette recherche, 2) les processus qui leur permettent de continuer à s’engager et 3) les leviers de développement professionnel des acteurs.
Bibliographic reference |
Huet, Amandine ; März, Virginie ; Van Nieuwenhoven, Catherine. Un stage visant la socialisation organisationnelle des futurs enseignants : une co-construction de tous les partenaires.Communication présentée à Rencontres internationales du Réseau Education Formation (REF) (Namur, du 05/07/2022 au 08/07/2022). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/272538 |