Bertot, Clément
[UCL]
L’objectif du présent article sera de mettre en évidence un double rapport à Nietzsche chez Michel Henry et de comprendre en quoi ce rapport ambivalent d’héritage et de rupture déterminera de nouveaux usages de la généalogie. Michel Henry partage avec Nietzsche une ambition similaire ou proche visant à critiquer le nihilisme ou ce qu’il nommera « l’auto-négation de la vie1 ». Dans cette optique, Michel Henry propose une généalogie inspirée de Nietzsche par laquelle il souhaite mettre en avant les « archi-faits » ou « archi-événements » d’où découle la dévalorisation de la vie dans le monde contemporain. Mais d’autre part, Michel Henry estime que la pensée de Nietzsche n’apporte pas de réponses suffisantes à la crise des valeurs caractéristique du monde contemporain : Henry reproche à Nietzsche un certain « biologisme » qui aboutit, selon lui, à défigurer la vie au lieu de la revaloriser. Nous montrons que cette critique implique de faire jouer à la généalogie un rôle nouveau : il s’agit pour Henry de partir à la recherche de l’« Archi-Vie » et de se mettre en quête d’un nouvel absolu axiologique dans le cadre d’une philosophie du christianisme. La généalogie henryenne se voudra donc anti-nietzschéenne après avoir été nietzschéenne. Ce rapport ambivalent à Nietzsche est l’indice d’une réception complexe où se mêlent réappropriation et subversion. 2Pour démontrer ce point, il ne suffira pas d’analyser les références positives ou négatives à Nietzsche dans le corpus henryen. Il conviendra aussi de montrer que la place réservée à Nietzsche chez Michel Henry se veut non pas totale, mais seulement limitée. En effet, la généalogie telle que la comprend et la pratique Michel Henry procède indiscutablement d’un geste nietzschéen, mais ce modèle se voit entrecroisé avec d’autres sources d’influences, notamment la généalogie marxienne et l’archéologie foucaldienne. On ne saurait ignorer ces sources alternatives, ne serait-ce que pour comparer leur usage avec celui que Michel Henry fait de la pensée de Nietzsche. En retraçant la totalité de ses usages, nous serons mieux à même de comprendre pourquoi la généalogie nietzschéenne put être convoquée, et même saluée, mais aussi amendée ou encore complétée par d’autres approches, jusqu’à être finalement congédiée par le dernier Henry, à la suite d’une série de stratégies entrecroisées
Bibliographic reference |
Bertot, Clément. Michel Henry et la généalogie du monde contemporain. Penser le nihilisme avec et contre Nietzsche. In: Quentin Landenne et Emmanuel Salanskis, Les métamorphoses de la généalogie après Nietzsche, Presses universitaires de Saint-Louis : Bruxelles 2022, p. P.229-251 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/283674 |