La vie dans la matière. Repenser la controverse entre vitalisme et matérialisme

Dans cet article, nous nous donnons comme objectif principal de proposer un dépassement de la conception souvent caricaturale de la controverse philosophique relative à la nature du vivant. À l’image souvent véhiculée d’une opposition frontale entre deux écoles – un vitalisme radicalement dualiste et un matérialisme radicalement moniste –, nous substituons un panorama plus nuancé de la problématique, faisant apparaître des positions intermédiaires comme le vitalisme matérialiste et l’organicisme. Nous illustrons la première de ces positions par la pensée de Claude Bernard. À cette occasion, nous mettons en évidence le fait que la pensée bernardienne constitue une première ébauche d’une philosophie émergentiste. En refusant simultanément de penser les rapports entre vivant et inerte sur le mode du fossé ontologique ou de la pure identité, les penseurs de l’émergence – tel George Henri Lewes – ouvrent au tournant du XXe siècle une nouvelle voie pour penser la vie dans la matière.