Emmanuel, Noémie
[UCL]
Si, pour répondre aux besoins des pays du Nord en termes de services à la personne, le travail du soin a fait naitre un ensemble de réseaux de migrations internationales (Kofman, 2004), le care s’inscrit également à une échelle plus locale, à l’échelle de la ville. En effet, dès qu’il est question de la mobilité des femmes, les chercheuses et chercheurs notent le poids des rôles sociaux de sexe sur leurs itinéraires : dus au sexisme dans l’espace public et aux tâches du soin dont elles ont la charge. Assurer le soin de ses proches et le fonctionnement de la vie familiale nécessite des pratiques de mobilité particulières, des chaînes de déplacement complexes dans l’espace et dans le temps. Pour les travailleuses du care rémunéré, leurs parcours dessinent tout un ensemble de réseaux à l’échelle de la ville : leur lieu de travail peut être est un hôpital, une maison de repos, des bureaux à nettoyer mais souvent aussi des domiciles privés. À cela s’ajoute les trajets qu’elles doivent effectuer pour leurs propres foyers, des trajets du soin. Pour aller plus loin dans l’appréhension des pratiques urbaines liées au care, cet ouvrage s’ancrent sur les trajets quotidiens de travailleuses du secteur des services à la personne à Bruxelles : femmes de ménages, aides à domiciles, nounous, aides-soignantes, … Alors qu’elles vivent dans des conditions sociales précaires où se croisent rapport sociaux de genre, de classe et de race, leurs parcours se caractérisent par un nombre important de déplacements quotidiens. Cassandra, une des enquêtées, va jusqu’à identifier les transports en commun comme son outil de travail. L’analyse d’entretiens et la cartographie de leurs déplacements quotidiens dans Bruxelles, permet d’identifier les contraintes qui pèsent sur leurs déplacements. Ces contraintes renvoient à plusieurs dimensions de leur vie, certaines d’ordre spatial (aménagement du territoire bruxellois), d’autres d’ordre temporel (horaire de travail) ou sociales (c’est-à-dire liées directement à leur identité de femmes, travailleuses précaires, pour certaines sans papier). À ces multiples contraintes, les travailleuses interrogées répondent par une série de stratégies qui combinent à la fois dimensions spatiales, temporelles ou sociales et exigent une maîtrise fine du territoire qu’elles parcourent. Parce que le travail du care et les trajets qu’il génère croisent les dimensions spatiales, sociales et temporelles de nos quotidiens, il nous invite à appréhender les pratiques de mobilité quotidiennes des citadines et des citadins à la fois comme une ressource fondamentale mais également comme un ensemble de contraintes. Il donne aussi à voir la proximité comme une ressource fondamentale de la ville qui répond – en partie – au poids que les rapports sociaux font peser sur les personnes et leurs mobilité. Le care apparaît alors comme un paradigme essentiel pour appréhender les rapports sociaux dans l’espace et penser l’aménagement d’une ville plus égalitaire.
Bibliographic reference |
Emmanuel, Noémie. Le trajet du soin Penser l’accessibilité de la ville à partir des pratiques de mobilité quotidiennes des femmes travailleuses du care à Bruxelles (Université des femmes /. (2021) (ISBN:2-87288-060-7) 126 pages |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078/281177 |