Unpublished conference/Abstract (Scientific congresses and symposiums)Écoulement du temps dans Zone de Mathias Enard
2018 • Digressions, Journée d'étude du groupe de doctorants Intersections
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Abstract :
[fr] Dans cette contribution, j’examine la relations entre digression et lenteur narrative dans Zone (2008) de Mathias Enard. Ce roman de plus de 500 pages, écrit en une seule phrase – ou plutôt une partie de phrase car le roman commence in media verba – fonctionne entièrement sur des procédés digressifs. Zone raconte l'interminable voyage en train de Francis Mirkovic, un ancien espion franco-croate, sous forme de monologue intérieur. En route vers le Vatican pour y acheter sa liberté grâce à des informations confidentielles, il est prisonnier de la lente avancée du train, tout comme le lecteur est lui aussi piégé par l’interminable phrase du roman. À l’avancée linéaire du train s’oppose la tortuosité de la pensée de Francis, tendue vers le passé, et exprimée par les détours de la digression. Ces digressions ont une fonction dilatoire car elles entravent la progression linéaire mais permettent l’inévitable avancée de la phrase et la révélation de l’intrigue tout en la ralentissant. Elles sont responsables de la longueur du roman; pour reprendre une expression de Tiphaine Samoyault, la longueur y mime l’écoulement du temps. De plus, elles superposent plusieurs couches temporelles et spatiales pour former les strates du dense récit : au passé de Francis se superposent de nombreux conflits historiques : guerre de Troie, deuxième guerre mondiale, les Guerres de Yougoslavie... L’envie de sauter ces passages ne peut être comblée car elles forment le coeur même du roman.