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Abstract :
[fr] Tout au long de mes recherches, j’ai été confrontée à des théoriciens qui m’ont fait comprendre que l’opposition constante – et toujours relancée, car elle ne semble pas avoir de terme – entre le pouvoir des mots et le pouvoir des images était partiellement stérile, voire, pour certains, absurde, ou en tout cas usante, et qu’elle négligeait surtout d’autres modèles, plus complexes. Or parmi les auteurs qui m’intéressent depuis longtemps (Rancière, par ex.), certains avaient proposé des concepts qui indiquaient – comme chez Foucault – que les mots et les images pouvaient se croiser de bien des manières (on peut penser au concept de phrase-image chez Rancière qui permet de décrire, dans une œuvre, littéraire ou visuelle au fond, la combinaison de deux fonctions, une fonction de composition ou de narration, la « phrase » qui tient les choses ensemble, qui les articule les unes aux autres, et une fonction de rupture, d’extrême singularité qui trouble l’effet de cohérence – l’image). Il y avait partout des formes de résistance à cette opposition directe et exclusive entre image et mot. Partout aussi des théoriciens qui essayaient de montrer depuis longtemps que le langage pouvait aménager un espace de résonnance pour les mots (cf. Mitchell). J’ai pu comprendre grâce à ces premières tentatives que les propositions de la Bildwissenschaft paraitraient extrêmement stéréotypées et étroites si on les prenait strictement dans le cadre d’une jouxte entre partisans de l’image et défenseurs du langage. Il fallait faire autre chose. Un autre pari. Le pari de partir du cliché (un état du débat – ou en tout cas de ce qu’on en percevait dans les milieux francophones – qui s’était durci), partir du cliché pour espérer réintroduire progressivement toutes les nuances qui devaient bien se nicher dans le débat. En choisissant les textes de l’anthologie, le pari était celui-là : ils devaient pouvoir (malgré leur rigidité apparente) apporter quelque chose à la question de l’image. Et partir de là nous a permis de vérifier dans les textes les rigidités que beaucoup y projetaient. Et le fait qu’il y ait, entre les protagonistes de la Bildwissenschaft qu’on a intégrés à l’anthologie, nécessairement des divergences (minimes, parfois importantes) permet d’atténuer une première fois – dans l’économie même du livre – le caractère un peu stéréotypé de certaines positions (il y a des effets de contradiction qui réintroduisent du jeu là où les problèmes risquaient de se figer).
